Orano au Niger : la fin d’une domination perçue comme arrogante ?

Mine d'uranium au Niger (Orano)

L’annonce en juin 2024 par les autorités nigériennes du retrait du permis d’exploitation de la mine d’Imouraren à Orano, héritier d’Areva, a résonné comme un signal de rupture. Pour la junte militaire au pouvoir, cette décision incarne une volonté de reprendre la maîtrise d’une ressource stratégique longtemps accaparée dans un rapport jugé déséquilibré. Un épisode qui semble cristalliser une évolution profonde des rapports entre anciennes puissances coloniales et États africains souverains.

Un contrat ancien et déséquilibré

Installée au Niger depuis 1971, Areva – devenue Orano – a été longtemps perçue comme une entité dotée d’un pouvoir quasi étatique, jouissant d’une influence notable sur les orientations économiques du pays. Sur le plateau d’Alain Foka (Parlons Vrai), Seidik Abba, journaliste, écrivain et président du Centre international de réflexions et d’études sur le Sahel (CIRES), rappelle qu’au moment de la création de la SOMAIR, société minière commune, le siège avait été imposé à Paris, malgré le fait que l’exploitation se faisait sur le sol nigérien. Cette configuration illustre, selon lui, le caractère vertical des relations établies dès l’origine.

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L’obtention du permis d’Imouraren en 2009 avait pourtant nourri des espoirs de valorisation du plus grand gisement d’uranium d’Afrique. Mais Orano n’a jamais lancé la production industrielle promise dans les cinq années prévues par le contrat. L’entreprise invoque des conditions de marché défavorables, notamment l’impact de l’accident de Fukushima. Les autorités nigériennes, elles, rappellent que plusieurs sommations avaient été adressées, sans suite concrète.

Une réappropriation revendiquée

Le retrait du permis d’Imouraren ne s’inscrit pas seulement dans une logique contractuelle, il symbolise surtout un changement de paradigme. Comme l’expliquent les intervenants de Parlons Vrai, les nouvelles autorités militaires ont choisi d’assumer une rupture avec une relation perçue comme déséquilibrée. Seidik Abba évoque une “mansuétude” prolongée de la part du Niger, et une attitude attentiste d’Orano, qui n’aurait pas cru que Niamey oserait passer à l’acte.

Makaila Nguebla, journaliste indépendant et activiste tchadien, abonde dans le même sens : pour lui, cette décision s’inscrit dans une dynamique régionale plus large, où les États du Sahel cherchent à reprendre le contrôle de leurs ressources stratégiques. Il souligne le décalage entre les richesses extraites du sous-sol nigérien et les faibles indicateurs de développement humain, notamment le taux d’électrification.

Une rupture qui fait école ?

L’affaire Orano intervient alors que plusieurs pays du Sahel, dont le Mali et le Burkina Faso, affirment eux aussi une volonté de renégociation de leurs contrats miniers. Le Niger, lui, envisage désormais une nouvelle attribution du permis d’Imouraren via un appel d’offres. Les autorités affirment vouloir instaurer des partenariats “gagnant-gagnant”, et affranchis des rapports de dépendance passés. Le retrait du permis à Orano devient alors l’illustration concrète de cette ambition.

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En filigrane, c’est toute une génération d’acteurs politiques africains qui semble porter cette transition. Délestés des logiques de tutelle ou de réflexes diplomatiques hérités, ils apparaissent plus enclins à poser les termes d’une souveraineté assumée, y compris dans leurs choix économiques.

Une entreprise face à son héritage

Orano conteste aujourd’hui la décision nigérienne devant les juridictions arbitrales. Dans ses communiqués, elle rappelle les investissements réalisés et les incertitudes du marché mondial de l’uranium. Mais face à une opinion publique sensibilisée et à une gouvernance politique en quête de légitimité intérieure, ses arguments peinent à susciter l’adhésion. L’impression dominante reste celle d’une entreprise qui n’a pas su ajuster son positionnement à un environnement en mutation.

Orano paie-t-elle aujourd’hui des décennies de relations perçues comme asymétriques ? Pour de nombreux observateurs, la réponse est oui. Et cette affaire, bien plus qu’un simple contentieux contractuel, pourrait marquer une étape dans la redéfinition des règles du jeu entre États africains et multinationales.

7 réponses

  1. Avatar de Chafik ouici.
    Chafik ouici.

    Permettez moi de vous dire une chose : c’est quasiment impossible que ces satanés d’européens (et particulierement les souches françaises) nous aiment comme il font claironner dans leurs portes voix des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme. Avez vous déjà vu une quelconque de ce genre revendiquer le droit des peuples ,qui étaient sous domination colonialiste, d’avoir les mêmes droits dans leurs pays aux utilités nécessaires d’une vie descente (électricité, eau courante dans les robinets, l’apprentissage etc!!!) autant que les populations occidentales en ont????.
    Le jour où l’Algerie avait nationalisé son pétrole, sous le règne de feu notre valeureux PRESIDENT HOUARI BOUMÉDIENE le 24 février 1972, les sociétés françaises sous couvert des gouvernements, avaient prétexter que notre pétrole était de couleur rouge. Notre Feu Président leurs avait rétorqué que ce pétrole est rouge par le sang de nos Vailleus martyrs tombés au champs d’honneur de la guerre de la RÉVOLUTION ALGERIENNE qui a mis à la porte le colons français.
    Quant à moi je salue les gestes de du NIGER ,du MALI,du BURKINA-FASSO qui ont eu l’honneur et la bravoure de mettre la porte ces sangsues.

  2. Avatar de Lumumb@ck
    Lumumb@ck

    il y en a eu qui ont osé s’attaquer à ces injustices, ils ont, soit été éliminés ou déposés en prison, Comme Diori hamani ou Baaré ou même Tanja Mamadou au Niger

  3. Avatar de Aly Dicko
    Aly Dicko

    vaut mieux tard que jamais. Pauvres types . Comment peut-on accepter ce genre de choses dans son propre pays
    L’inverse est quasi impossible. J’aimerais bien lire quelque part où une société nigérienne dispose de 95% des parts en Europe où ailleurs. À qui la faute , toujours à nous les africains. Sorry .

  4. Avatar de Lumumb@ck
    Lumumb@ck

    Merci mon frère @Tchité, tu comprends bien le devoir noble qu’accomplissent certains dirigeants africains.
    Te rends tu compte la route Arlit et le site Orano ex areva ex CEA n’est pas butimé, aucun hôpital digne de ce nom dans la région, le comble et qu’au Niger on a un taux d’électrification de moins de 30%
    après ça on nous traite d’incapables, on fait trop d’enfants, on n’est pas assez entré dans l’histoire, allant même jusqu’à nous dire comment on doit mougou nos femmes.
    c’est toutes ces choses qui nous révoltent et rien d’autres
    Nos générations, on a été à l’école avec eux, on a été meilleurs qu’eux et on va combattre tous ceux qui veulent nous maintenir dans.la subordination.
    A bon entendeur salut!

  5. Avatar de Tchité.
    Tchité.

    L’Afrique, aux Africains en Afrique.
    Le plan a toujours été de déstabiliser le continent par le « divide and conquer, diviser pour régner « , prendre possession des richesses, faire fuir les pauvres populations, afin de les rendre escl@ves en Occident, puis donner des miettes aux élites aux ordres pour faire perpétuer les choses ainsi.

    1. Avatar de Doudouditdonc
      Doudouditdonc

      Franchement tes pauvres populations comme tu dis, l’occident n’en veut pas, ils ne sont pas les bienvenus

  6. Avatar de Tchité.
    Tchité.

    L’Afrique, aux Africains en Afrique.
    Le plan a toujours été de déstabiliser le continent par le « divide and conquer, diviser pour régner « , prendre possession des richesses, faire fuir les pauvres populations, afin de les rendre esclaves en Occident, puis donner des miettes aux élites auxordres. pour faire perpétuer les choses ainsi.

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