Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, de nombreuses multinationales occidentales ont quitté le marché russe, souvent sous la pression de leurs actionnaires, de leur opinion publique ou des sanctions imposées par leurs gouvernements. Parmi elles, des enseignes emblématiques comme McDonald’s, Starbucks ou encore Ikea ont fermé leurs portes, cédant parfois leurs activités à des repreneurs locaux. Cette vague de départs avait été perçue par Moscou comme une forme de désertion, voire comme un acte hostile. À l’époque, les autorités russes avaient adopté un ton relativement mesuré, tentant de minimiser les effets de ces retraits tout en promettant la continuité des services à la population. Trois ans plus tard, la position du Kremlin semble avoir radicalement changé.
L’heure du ressentiment
Lors d’une réunion avec des chefs d’entreprise russes ce 26 mai, Vladimir Poutine a exprimé une hostilité sans équivoque envers les firmes étrangères qui ont abandonné le pays. Le président russe a rejeté l’idée d’un éventuel retour de ces marques sur le marché, en ciblant notamment McDonald’s, qu’il accuse d’avoir « compromis tout le monde » par son départ. Pour lui, il ne saurait être question de leur « dérouler le tapis » en cas de retour. Ce changement de ton intervient alors que le climat économique reste tendu et que le Kremlin semble déterminé à renforcer sa souveraineté industrielle.
Le discours de Poutine s’est durci en réponse à l’intervention d’un entrepreneur russe qui appelait à freiner les activités des géants technologiques américains encore présents, comme Zoom ou Microsoft. Appuyant cette proposition, le chef de l’État a soutenu l’idée de mesures de rétorsion contre les entreprises perçues comme hostiles, affirmant sans détour qu’il fallait les « étrangler« . Cette formulation marque une escalade rhétorique, à la fois sur le plan économique et politique, qui reflète une volonté de rompre définitivement avec les modèles économiques occidentaux.
Vers une nouvelle politique économique de fermeture
Cette hostilité affichée remet en question toute tentative de réengagement commercial de la part des groupes occidentaux. Si certains ont pu entretenir l’espoir de retrouver leurs parts de marché à l’issue du conflit, la ligne désormais tracée par le Kremlin rend cette perspective incertaine. En se posant comme défenseur d’une économie plus autonome, Vladimir Poutine cherche aussi à séduire les milieux d’affaires nationaux, en leur promettant une réduction de la concurrence étrangère et un accès privilégié aux marchés locaux.
Ce virage intervient alors que la Russie renforce ses liens économiques avec d’autres partenaires comme la Chine, l’Iran ou des pays d’Amérique latine. Moscou tente de compenser l’isolement croissant imposé par les sanctions internationales en se tournant vers des réseaux alternatifs, tout en verrouillant l’accès à son marché pour les entreprises jugées politiquement compromettantes.
Au-delà de la seule logique économique, cette menace formulée contre les entreprises occidentales reflète une stratégie assumée de confrontation. Elle pourrait aussi servir de signal à d’autres États ou groupes souhaitant maintenir une présence en Russie tout en respectant les sanctions internationales : la neutralité ne sera plus tolérée. Dans cet environnement, le monde des affaires se trouve de plus en plus contraint de choisir un camp, avec des implications qui dépassent largement la sphère commerciale.
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