L’élection d’un nouveau pape fascine autant les croyants que les laïcs, tant elle incarne un moment rare, chargé de symboles, de politique et d’émotion collective. Le choix du souverain pontife n’est jamais anodin, mais lorsqu’il s’agit d’un citoyen américain, la portée de cet événement dépasse les frontières du Vatican pour entrer en collision avec les règles impitoyables de la fiscalité américaine.
L’Américain de Dieu dans le viseur du fisc
L’arrivée de Léon XIV sur le trône de Saint-Pierre n’a pas seulement provoqué un engouement mondial ; elle a également éveillé l’attention d’un acteur inattendu : l’IRS, le fisc américain. En vertu du système fiscal unique des États-Unis, tout citoyen américain reste redevable de l’impôt, qu’il réside à New York, à Nairobi ou… au Vatican. Ce principe, ancré dans le Foreign Account Tax Compliance Act (Fatca) adopté en 2010, permet aux autorités fiscales de scruter les revenus et les comptes de leurs ressortissants, même s’ils exercent des fonctions religieuses au sommet de l’Église catholique.
Le traité Fatca, que le Saint-Siège a signé en 2015, vise à renforcer la transparence financière entre les institutions étrangères et l’administration américaine. Or, il ne prévoit aucune exemption spécifique pour les chefs d’État, religieux ou non. Le pape, bien qu’il ne perçoive pas de salaire formel, bénéficie d’avantages conséquents : logement, transport, sécurité, et autres privilèges dignes d’un chef de gouvernement. Autant d’éléments que le fisc pourrait considérer comme des formes de rémunération imposables.
Un précédent qui embarrasse Rome et Washington
Le cas de Léon XIV ne serait pas isolé. Par le passé, des responsables politiques étrangers détenteurs de la double nationalité ont été confrontés aux mêmes exigences. Brandon Mitchener, un expert de la fiscalité internationale, rappelle qu’aucun poste, aussi élevé soit-il, ne dispense un citoyen américain de ses obligations fiscales. Le Vatican, pourtant souverain, pourrait ainsi se retrouver dans une position délicate, contraint de transmettre des informations sur les finances du pape aux autorités américaines.
L’administration Trump, dont les liens avec la question fiscale sont loin d’être neutres, pourrait se saisir de cette situation pour réaffirmer son autorité sur les citoyens américains de l’étranger. Une enquête de l’IRS sur les comptes du Vatican, motivée par un excès de zèle ou des considérations politiques, mettrait à l’épreuve les équilibres diplomatiques entre Rome et Washington. Si le Saint-Siège refuse de coopérer, il risquerait d’être confronté à des sanctions financières ou à une perte de crédibilité dans les circuits bancaires internationaux.
Un défi diplomatique à venir
Ce nouvel imbroglio souligne la complexité d’un monde où les identités nationales et les fonctions spirituelles peuvent entrer en conflit. Léon XIV, en tant qu’Américain devenu chef de l’Église catholique, se retrouve au carrefour de deux systèmes juridiques qui ne se parlent pas aisément. Pour le Vatican, l’enjeu n’est pas uniquement juridique ou fiscal ; il est symbolique. Comment concilier la nature universelle du Saint-Siège avec les exigences d’un État qui revendique un droit de regard fiscal sur tous ses citoyens, où qu’ils soient ?
Alors que les projecteurs sont encore braqués sur la figure du nouveau pontife, cette question, moins visible mais tout aussi cruciale, pourrait bien devenir l’un des premiers tests de son pontificat. Les prochains mois diront si la diplomatie vaticane parviendra à désamorcer ce casse-tête ou si le pape devra, comme tout citoyen américain ordinaire, composer avec les redoutables formulaires de l’IRS.
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