Afrique : la Chine va supprimer les droits de douane pour 53 pays

(Li Xueren | Xinhua News Agency | Getty Images)

L’Afrique et la Chine n’en sont plus à leurs premiers échanges. Depuis les années 2000, leur relation s’est étoffée, structurée autour d’un échange mutuel : d’un côté, des matières premières et des débouchés pour les entreprises chinoises ; de l’autre, des infrastructures, des financements et un partenaire sans les conditions politiques de l’Occident. Ce partenariat a donné lieu à des chantiers gigantesques, à des lignes de crédit généreuses, mais aussi à une dépendance croissante pour certains pays africains. Ce 12 juin, Pékin franchit une nouvelle étape, en décidant de lever les droits de douane pour la quasi-totalité du continent.

Une carte économique à haute valeur diplomatique

C’est depuis la ville chinoise de Changsha, lors d’une réunion consacrée à la coopération avec l’Afrique, que le gouvernement chinois, par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères Lin Jian, a officialisé sa décision : 53 pays africains bénéficieront prochainement d’un accès sans droits de douane au marché chinois. Cette annonce, saluée comme un geste de soutien, est aussi une manœuvre économique stratégique. En élargissant l’accès aux produits africains, Pékin cherche à stimuler des flux commerciaux plus équilibrés, tout en consolidant son influence sur un continent où la compétition géopolitique devient de plus en plus rude.

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Cette mesure ne se limite pas à des avantages tarifaires. Elle montre une dynamique où la Chine entend jouer un rôle actif dans la transformation économique du continent, en facilitant les exportations, en formant des cadres, en soutenant des projets de développement, et en multipliant les partenariats concrets. Pour les producteurs africains de café, de cacao, de textile ou de fruits, cet accès élargi à l’un des plus grands marchés mondiaux représente une opportunité qui, bien exploitée, pourrait changer la donne.

Un partenariat sous conditions

Mais cet engagement n’est pas sans contrepartie politique. L’Eswatini, seul pays africain à entretenir encore des relations diplomatiques officielles avec Taïwan, a été exclu du dispositif. Une absence qui n’est pas anodine, tant elle rappelle que les avantages économiques proposés par la Chine sont aussi des outils diplomatiques. Pékin ne tolère aucune reconnaissance de Taïwan en tant qu’État indépendant, et s’assure que son principe d’ »une seule Chine » reste respecté jusque dans les accords commerciaux.

Cette mise à l’écart de l’Eswatini illustre bien la manière dont la Chine articule ses intérêts commerciaux et politiques : les préférences économiques deviennent des leviers d’alignement diplomatique. À l’échelle du continent, la leçon est limpide : le partenariat avec Pékin reste ouvert, mais à condition d’épouser certaines lignes rouges.

Un virage attendu dans un contexte incertain

La suppression des droits de douane s’ajoute à une série d’engagements pris par la Chine dans le cadre de ses dix axes de coopération avec l’Afrique. Ces actions touchent à des domaines aussi variés que l’agriculture, la santé, l’éducation ou la sécurité. En levant les barrières commerciales, Pékin espère fluidifier les échanges, dynamiser les économies locales et renforcer un modèle de coopération qu’elle présente comme alternatif à celui des puissances occidentales.

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Pour les pays africains, cette ouverture représente une chance. Mais elle suppose aussi une capacité à répondre à la demande chinoise, à normaliser leurs productions, à investir dans la logistique et à structurer des filières d’exportation solides. Faute de quoi, le risque serait que seuls quelques acteurs bien organisés profitent réellement de cette fenêtre commerciale.

Cette décision ne marque donc pas une fin, mais un nouveau départ. Elle ouvre un champ d’opportunités qui pourrait renforcer la place de l’Afrique dans le commerce mondial — à condition que les bénéficiaires s’en emparent avec ambition, méthode et stratégie.

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