Depuis que Donald Trump, dans un retour remarqué sur la scène politique, a imposé des droits de douane vertigineux de 145 % sur les produits chinois, les autorités de Pékin cherchent des voies alternatives pour infliger un coût stratégique aux intérêts américains. En réaction à ce coup de force tarifaire, la Chine a déjà alourdi ses propres taxes sur une série de biens venus des États-Unis, touchant au cœur de l’agriculture et de la technologie américaine.
À mesure que les tensions commerciales entre Washington et Pékin s’enveniment, une nouvelle manœuvre chinoise commence à prendre forme dans les coulisses diplomatiques et industrielles. Cette fois, la riposte ne passe ni par les champs de soja ni par les microprocesseurs. C’est dans le ciel que Pékin semble vouloir frapper — non pas avec des missiles, mais avec des commandes d’avions qui pourraient redessiner les équilibres industriels mondiaux.
Une commande géante au service d’un message politique
Selon des sources proches du dossier citées par Bloomberg, la Chine serait sur le point d’annoncer une commande spectaculaire de près de 300 avions Airbus, aussi bien des monocouloirs que des long-courriers. L’annonce pourrait coïncider avec la visite prévue de hauts responsables européens à Pékin dans les prochaines semaines. Derrière ce geste commercial d’apparence anodine se cache une stratégie mûrement réfléchie : priver l’industrie aéronautique américaine, incarnée par Boeing, de marchés clés à un moment où elle peine encore à regagner la pleine confiance des régulateurs et des compagnies.
Pour Pékin, choisir Airbus, c’est faire coup double. D’une part, cela renforce les liens économiques avec l’Union européenne, dont les dirigeants sont de plus en plus courtisés dans un monde en recomposition géopolitique. D’autre part, c’est un signal fort envoyé à Washington : la Chine est capable de réorienter ses choix industriels non seulement en fonction de ses besoins techniques, mais aussi selon des critères politiques. Ainsi, chaque avion commandé à Airbus est aussi un avion non commandé à Boeing — et donc un manque à gagner pour l’économie américaine.
Boeing exclu du banquet sino-européen
Cette transaction, si elle est finalisée, pourrait marquer un tournant durable dans l’équilibre entre les deux géants de l’aéronautique. Boeing, longtemps choyé par les compagnies chinoises, est désormais perçu comme trop étroitement lié à un climat politique instable entre Pékin et Washington. Pour l’administration Trump, qui mise sur le rapatriement industriel et l’affaiblissement du commerce sino-américain, la Chine répond par des alliances nouvelles, où le ciel européen semble plus accueillant que jamais.
En Bourse, les investisseurs ne s’y sont pas trompés : l’action Airbus a grimpé rapidement à Paris après les premières rumeurs sur cette commande massive. Le constructeur européen, qui bénéficie déjà d’un bon carnet de commandes, pourrait ainsi conforter sa position dominante sur les marchés asiatiques, au détriment de son rival américain en difficulté.
Un ciel chargé de symboles
L’affaire dépasse largement les simples considérations commerciales. Derrière les chiffres et les modèles d’avions se joue une bataille d’influence où chaque choix d’achat devient un acte politique. En préférant Airbus à Boeing, la Chine ne fait pas que choisir un avion ; elle choisit une relation. Elle tend la main à l’Europe tout en serrant le poing face aux États-Unis. Dans cette guerre commerciale aux allures de bras de fer diplomatique, les avions deviennent les nouveaux ambassadeurs — ou les nouvelles armes — d’une stratégie d’endiguement du trumpisme économique.
Il ne s’agit plus seulement de répondre aux droits de douane par des contre-mesures classiques, mais de frapper là où l’image de la puissance américaine est la plus visible : dans son rôle de leader industriel mondial. En bousculant cet équilibre à travers des commandes ciblées, la Chine entend démontrer qu’elle peut imposer le coût de l’unilatéralisme trumpien à des secteurs clés de l’économie américaine.
Si cette commande se concrétise, elle marquera un tournant discret mais décisif dans la rivalité sino-américaine. Et dans cette partie d’échecs, Pékin semble bien décidé à avancer ses pions avec méthode, en gardant toujours une pièce inattendue dans sa manche.
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