La rivalité sino-américaine en Afrique prend une tournure économique de plus en plus marquée. Longtemps cantonnée à la sphère diplomatique et sécuritaire, la compétition entre Pékin et Washington se déplace désormais vers le terrain commercial, où chaque geste est perçu comme un levier d’influence. Depuis janvier 2025, Donald Trump, revenu à la Maison Blanche, a introduit de nouvelles mesures douanières affectant une large partie du monde, y compris le continent africain. Une taxe forfaitaire de 10 % sur toutes les importations a été instaurée, accompagnée de surtaxes pouvant atteindre 50 % pour une cinquantaine de pays. Plusieurs États africains figurent sur cette liste, comme le Lesotho (50 %) ou l’Afrique du Sud (31 %), mettant en péril leurs filières exportatrices, notamment dans le textile et l’agroalimentaire.
Pékin avance ses pions
À rebours de cette posture protectionniste, la Chine a opté pour une stratégie d’ouverture. Lors d’un forum à Changsha dédié à la coopération sino-africaine, Lin Jian, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a annoncé que 53 pays africains bénéficieront d’un accès sans droits de douane au marché chinois. Cette mesure, présentée comme un soutien au développement, s’inscrit en réalité dans un calcul politique assumé. En offrant aux producteurs africains un accès facilité à son marché, Pékin cherche à se positionner comme un partenaire plus stable et plus fiable que les États-Unis, dont les mesures tarifaires imprévisibles alimentent l’incertitude.
Loin d’être un geste purement symbolique, cette initiative cible directement les failles de la stratégie américaine. Alors que les droits de douane de Trump renchérissent le coût des exportations africaines vers les États-Unis, la Chine propose une voie alternative, où les producteurs de cacao, de café, de textile ou de fruits peuvent écouler leurs produits dans des conditions plus favorables. Il s’agit d’un contre-pied économique qui place les pays africains face à une offre pragmatique, sans conditionnalités financières immédiates mais aux implications politiques bien réelles.
Coopération ou alignement ?
Ce partenariat commercial n’est cependant pas inconditionnel. L’Eswatini, seul État africain entretenant encore des relations officielles avec Taïwan, a été exclu de l’accord. La Chine y affirme son principe d’ »une seule Chine », et utilise les préférences commerciales comme outil de persuasion diplomatique. Cette exclusion illustre la logique d’ensemble : les avantages sont accessibles à ceux qui respectent les priorités géopolitiques de Pékin.
Dans ce bras de fer à distance, l’Afrique devient un champ d’expérimentation stratégique. Tandis que Trump mise sur des barrières tarifaires pour redéfinir les équilibres du commerce mondial, Pékin propose un accès préférentiel, conditionné à une loyauté politique implicite. Pour les États africains, la promesse chinoise représente une opportunité économique, mais aussi une incitation à se repositionner dans un monde multipolaire où les alliances se construisent autant par les ports que par les discours.



