Sénégal : La migration circulaire comme réponse à l’immigration clandestine

Alors que les tragédies en mer continuent d’émouvoir l’opinion publique, le Sénégal explore une voie structurée pour offrir une issue légale aux ambitions migratoires de ses jeunes. Les 16 et 17 juin 2025, 89 travailleurs saisonniers, dont 27 femmes, ont quitté le pays pour rejoindre l’Espagne. Ces départs, marquant les troisième et quatrième cohortes de la campagne actuelle, s’ajoutent à d’autres convois prévus pour les jours à venir. L’opération, menée sous la coordination du secrétariat d’État aux Sénégalais de l’extérieur, vise à canaliser le désir de mobilité économique dans un cadre réglementé et sécurisé.

Contrairement aux parcours périlleux empruntés par voie clandestine, ces départs sont encadrés par des accords bilatéraux, validés par les autorités sénégalaises et espagnoles. Les bénéficiaires, sélectionnés sur des critères professionnels et sociaux, rejoindront des exploitations agricoles pour une durée déterminée, avec engagement formel de retour. Ce modèle entend rompre avec le cycle de l’irrégularité et de l’errance post-migratoire qui fragilise de nombreuses familles sénégalaises.

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Des résultats mesurables mais fragiles

Les premières évaluations de ces politiques indiquent un recul des départs clandestins depuis que les départs organisés ont repris. Le soutien logistique, la coopération administrative entre États et la sensibilisation au retour ont permis d’endiguer, dans certaines régions ciblées, les départs par voie maritime. Le financement européen et les réformes administratives ont également renforcé les capacités de gestion migratoire, notamment par la formation des acteurs locaux et le déploiement de dispositifs de suivi des candidats.

Toutefois, la durabilité de cet impact dépendra fortement de l’intégrité du processus de sélection, de la qualité de l’accompagnement des migrants, mais aussi de la capacité des programmes à créer une perspective réelle de transformation socioéconomique pour les bénéficiaires. En l’absence de retours d’expérience valorisés ou d’accompagnement à la réinsertion, les effets risquent de rester limités dans le temps.

Un modèle à consolider pour décourager les départs risqués

La migration circulaire, lorsqu’elle est bien encadrée, représente une opportunité concrète de mobilité pour les jeunes en quête de revenus et d’expérience à l’international. Elle permet également aux pays d’accueil de répondre à des besoins ponctuels de main-d’œuvre, tout en réduisant la pression migratoire irrégulière. Mais ce modèle ne peut fonctionner durablement sans une politique cohérente de développement local, qui valorise les compétences acquises à l’étranger et offre des débouchés à ceux qui rentrent.

Au-delà des chiffres et des annonces, c’est donc la qualité du retour, la transparence des procédures, et la lisibilité de la trajectoire proposée qui feront la différence. Pour qu’un jeune choisisse un aller-retour légal plutôt qu’une traversée à haut risque, il doit pouvoir croire à la promesse d’un bénéfice réel. Le gouvernement sénégalais semble en avoir pris la mesure, à condition que les moyens suivent.

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