Depuis plusieurs semaines, les débats autour de la dette publique sénégalaise agitent la scène politique. Plusieurs voix de l’opposition, notamment celles de Thierno Alassane Sall, accusent l’État de conduire le pays dans une spirale dangereuse. Les projections évoquant une dette cumulée de plus de 10 000 milliards de FCFA en mi 2025 alimentent l’inquiétude. Le député estime que cet endettement massif ne se traduit ni par une baisse du chômage, ni par un meilleur accès aux soins, ni par une amélioration des conditions de vie des ménages. Cette critique, partagée par d’anciens membres de gouvernements et des représentants de la société civile, repose sur une idée centrale : le recours à la dette semble avoir profité davantage à la classe politique qu’aux citoyens. Face à ces accusations, le ministre des Finances, Cheikh Diba, a décidé de répondre point par point, à l’occasion du débat parlementaire sur la Loi de finances rectificative.
Clarifier les chiffres pour restaurer la confiance
Lors de sa prise de parole devant les députés, Cheikh Diba a cherché à déconstruire ce qu’il qualifie de lecture biaisée de la dette. Il a appelé à différencier clairement la dette totale enregistrée dans les bilans et celle qui doit effectivement être remboursée à court terme. Pour lui, la charge de la dette reste sous contrôle, même si elle augmente, en partie à cause de la conjoncture financière internationale. La hausse récente des taux d’intérêt, couplée à une orientation des emprunts vers les banques locales, a contribué à alourdir les charges au premier trimestre 2025, avec un pic de 822 milliards FCFA. Mais selon le ministre, cette situation ne reflète pas un effondrement, mais plutôt un ajustement technique temporaire.
Diba a insisté sur la nécessité de ne pas céder au sensationnalisme. Si la dette augmente, dit-il, c’est aussi parce que les nouvelles autorités ont décidé de comptabiliser ce qui, jusque-là, restait dans l’ombre : arriérés accumulés, dettes contractées sans autorisation parlementaire, subventions non payées. Cette mise à plat est, selon lui, un passage obligé pour revenir à une gestion saine.
Engagement pour un meilleur encadrement
Au-delà des chiffres, le ministre a voulu rassurer sur les outils mis en place pour encadrer la dépense publique. Il a souligné que la nouvelle Loi de finances intègre désormais une exigence d’autorisation parlementaire pour toute nouvelle dette. Ce verrou législatif vise à éviter les dérives observées dans le passé, où des engagements lourds avaient été contractés sans débat ni transparence. De plus, il a affirmé que les données relatives aux dépenses, à l’endettement et aux recettes de l’État seraient régulièrement publiées et accessibles à tous.
Cheikh Diba a également annoncé des réductions ciblées dans le budget : 109 milliards FCFA retranchés sur les acquisitions de biens et services, et 336,5 milliards FCFA sur les investissements financés par les ressources internes. Ces mesures ont pour objectif de limiter la progression du déficit budgétaire, tout en continuant à financer les priorités. Il ne s’agit pas, selon lui, d’un désengagement, mais d’une réorientation prudente dans un environnement financier plus contraint.
Une ligne de crête politique et économique
Les explications du ministre ne suffisent pas à calmer toutes les critiques. Pour une partie de l’opposition, les chiffres affichés, même corrigés, témoignent d’une perte de contrôle. Les accusations ne portent pas uniquement sur le montant de la dette, mais sur son usage réel. Où sont passés les milliards, questionnent les détracteurs ? Pourquoi le vécu quotidien ne reflète-t-il pas les milliards injectés ? Ce soupçon d’inefficacité nourrit un climat de défiance auquel le gouvernement tente de répondre par des promesses de rigueur.
Mais entre justification technique et responsabilité politique, l’équilibre reste fragile. La dette n’est pas qu’un indicateur économique, c’est aussi un révélateur de la relation entre gouvernants et gouvernés. En insistant sur la transparence et la discipline budgétaire, Cheikh Diba engage son ministère dans une phase d’assainissement. Il reste à voir si cet engagement sera suivi d’effets concrets dans la gestion quotidienne des finances publiques, mais aussi dans l’expérience vécue par les citoyens. Car au-delà des tableaux Excel et des pourcentages, ce sont bien les réalités sociales qui trancheront.



