Sénégal : Risque de sécheresse localisée

Alors que l’espoir d’un bon hivernage renaît chaque année avec les premiers nuages de juin, les prévisions pour 2025 viennent assombrir le tableau. Le dernier bulletin publié par l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (ANACIM) annonce un mois de juin peu prometteur sur une large partie du pays, notamment dans les régions du Nord et du Centre. Ces zones devraient enregistrer des cumuls de pluie inférieurs à la normale, confirmant un déficit pluviométrique préoccupant. Il ne s’agirait pas d’un simple retard de saison, mais bien d’un risque réel de sécheresse localisée.

La perspective d’une campagne agricole menacée prend ainsi forme, d’autant que les années précédentes ont déjà été marquées par des irrégularités notables dans la répartition des pluies. En 2024, les pluies étaient arrivées tardivement, avec des conséquences directes sur les rendements des cultures vivrières. Les populations rurales, déjà fragilisées par ces aléas, s’inquiètent d’un nouveau cycle difficile. Pour beaucoup d’agriculteurs, la terre ne suit plus le rythme des saisons, et chaque année ressemble à un pari incertain contre le ciel.

Une agriculture en quête de résilience

Dans certaines zones, les agriculteurs ont dû s’adapter à ce climat capricieux. La région de Thiès, par exemple, a vu émerger l’usage de variétés agricoles dites améliorées, capables de résister à des conditions de faible humidité. Des semences comme Chakti ou ICTP-8203, sélectionnées pour leur tolérance à la sécheresse, sont devenues des alliées précieuses dans la lutte pour maintenir une production vivrière minimale. Mais cette adaptation n’est ni généralisée ni facile d’accès pour tous. Le coût de ces semences, leur disponibilité et le manque de formation technique constituent encore des freins majeurs pour les petits exploitants.

Face à des épisodes de sécheresse de plus en plus fréquents depuis les années 1970, le modèle agricole traditionnel, basé sur des pluies régulières et abondantes, montre ses limites. La dépendance à la pluviométrie reste forte dans de nombreuses localités, et le manque d’infrastructures d’irrigation limite les marges de manœuvre. L’agriculture sénégalaise, en grande partie pluviale, se retrouve ainsi en première ligne face à un dérèglement climatique qui transforme les terres cultivables en terrains incertains.

Anticiper avant que les sols ne craquent

Le signal d’alerte lancé pour ce mois de juin ne concerne pas uniquement les paysans. Il pose aussi la question de la sécurité alimentaire et de la préparation des institutions face à une éventuelle pénurie de produits agricoles. Si les récoltes de 2025 subissent les mêmes baisses que celles observées en 2024, les effets se feront sentir sur les marchés, dans les assiettes et jusque dans les politiques publiques. Ce déficit pluviométrique n’est pas qu’une donnée météorologique : c’est une menace directe sur les moyens de subsistance d’une large partie de la population.

Il devient crucial de renforcer dès maintenant les stratégies de prévention : stock de semences résistantes, campagnes d’information auprès des producteurs, mobilisation des moyens d’irrigation alternatifs. À défaut de faire tomber la pluie, il est encore possible d’amortir le choc. Mais pour cela, il faut que l’alerte de l’ANACIM ne reste pas une note technique ignorée, mais qu’elle soit entendue comme un appel à l’action immédiate.

Au Sénégal, la sécheresse n’a jamais été une nouveauté. Mais lorsqu’elle revient avec plus de fréquence et d’intensité, elle rappelle combien la pluie, invisible ressource, commande les équilibres du pays.

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