La tension est montée d’un cran au Togo depuis la transformation du régime présidentiel en un système parlementaire au printemps 2025. Si cette réforme a été présentée comme un tournant institutionnel, elle a surtout été perçue par une partie de la population comme une manœuvre de Faure Gnassingbé pour prolonger son emprise sur l’appareil d’État, en abandonnant la présidence au profit d’un rôle exécutif sans limite de mandat. La désignation de Jean‑Lucien Savi de Tové comme chef de l’État, dépourvu de réels pouvoirs, a accentué cette perception. Depuis, la rue grogne, en particulier parmi la jeunesse urbaine, qui dénonce l’étouffement des libertés civiles et le verrouillage des institutions par le parti UNIR, largement majoritaire au Parlement depuis les élections sénatoriales de février. Cette accumulation de frustrations a conduit à une mobilisation inédite, portée notamment par des figures de la diaspora, des artistes et des influenceurs, bien décidés à faire entendre leur voix malgré l’interdiction persistante des rassemblements publics.
Répression brutale et mobilisation populaire
Du 26 au 28 juin, plusieurs quartiers de Lomé ont été secoués par des manifestations marquées par des scènes de tension. Malgré un encadrement pacifique voulu par les organisateurs, les forces de sécurité sont intervenues de manière musclée, utilisant gaz lacrymogènes et moyens de dispersion pour démanteler les rassemblements. Des barrages faits de pneus et de bois enflammés ont surgi dans les rues, contraignant de nombreux commerces à baisser leurs rideaux. Les manifestants, pour la plupart des jeunes, réclamaient non seulement la fin des intimidations politiques, mais aussi la reconnaissance de leur droit fondamental à l’expression. Des témoignages recueillis sur place évoquent également la présence de groupes de civils armés, assimilés à des miliciens, accusés de violences ciblées contre les protestataires.
Des corps retrouvés et des arrestations massives
Au terme de ces trois journées, le bilan humain s’est alourdi de manière dramatique. Sept corps ont été repêchés dans les cours d’eau de la capitale, parmi lesquels figurent deux jeunes dont les cadavres ont été retrouvés dans la lagune dès le vendredi soir. Selon plusieurs organisations locales de défense des droits humains, ces décès seraient directement liés à la répression. Elles dénoncent aussi de nombreux blessés et l’arrestation d’au moins soixante personnes. Le gouvernement, de son côté, continue de qualifier ces mobilisations d’illégales, sans fournir de détails sur les circonstances exactes de ces décès. Face à ce climat de peur et de répression, des voix comme celle du porte-parole du Front Citoyen Togo Debout, David Dosseh, s’élèvent pour rappeler que manifester pacifiquement ne devrait pas être considéré comme une menace. Alors que Lomé panse ses plaies, la fracture entre le pouvoir et une partie grandissante de la société togolaise semble plus profonde que jamais.
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