Afrique : des élus français veulent une francophonie "créolisée"

Initialement pensée comme un pont entre les peuples unis par la langue française, la francophonie peine à se renouveler. Derrière les grandes déclarations, le dispositif reste marqué par une forte centralisation symbolique, avec une France souvent placée au cœur des échanges. Dans bien des cas, ce sont des élites politiques ou diplomatiques qui prennent la parole au nom de millions de locuteurs, réduisant les contributions venues d’Afrique, des Caraïbes ou du Pacifique à des figurations protocolaires. Le projet, loin de valoriser la diversité des mondes francophones, donne souvent l’impression de tourner en rond dans des codes protocolaires, un imaginaire figé et une structure pyramidale.

Contre les faux consensus

Face à ce constat, deux figures de la gauche française montent au créneau. Le 16 juillet 2025, l’hebdomadaire Politis a relayé une prise de position tranchée signée par les députés Aurélien Taché et Nadège Abomangoli, qui s’en prennent à une conception verrouillée de la francophonie, trop souvent rattachée à des codes diplomatiques stériles ou à une représentation flatteuse d’un passé impérial. Ils plaident pour une rupture claire avec cette image qui, selon eux, empêche toute transformation en profondeur. Leur appel ne se veut pas purement symbolique : il interroge les formes de pouvoir, les rapports de domination culturelle, et la manière dont la langue française est encore utilisée comme un levier d’influence plutôt qu’un outil d’émancipation.

Mais cette position suscite des réactions hostiles. Certains courants politiques en France les accusent de vouloir saper les fondements de l’unité nationale ou de compromettre l’influence du pays à l’international. Pour Abomangoli et Taché, ces attaques relèvent moins d’un débat d’idées que d’une stratégie d’intimidation fondée sur la peur et la crispation identitaire. À leurs yeux, cette hostilité traduit surtout une incapacité à penser un rapport nouveau à l’histoire coloniale et aux héritages qu’elle a laissés. Comme ils l’écrivent, il est temps de : « finir avec une certaine idée de la francophonie »

Une langue qui se nourrit du mélange

Plutôt que de rejeter la francophonie, les deux élus proposent de la repenser de fond en comble. Ils défendent une version plus ouverte, multiple et ancrée dans les réalités vécues par les locuteurs eux-mêmes. Le mot d’ordre : créoliser. Il ne s’agit pas ici de revendiquer un modèle linguistique unique, mais de valoriser la diversité des expressions, des imaginaires, des contextes d’usage. Ainsi, la langue devient un lieu de circulation, d’invention, de métissage permanent — loin des académismes figés ou des nostalgies impériales.

Ce projet implique aussi de redonner de la voix aux marges : les banlieues françaises, les territoires d’outre-mer, les artistes d’Afrique de l’Ouest, les intellectuels du Maghreb ou encore les diasporas créatives de Montréal. Tous ceux qui, au quotidien, vivent un français hybridé, recomposé, façonné par leur propre histoire. En somme, une francophonie décentrée, vivante, mouvante — où la France n’est plus le chef d’orchestre, mais un partenaire parmi d’autres.

Ce changement de perspective remet en cause des équilibres anciens, mais il ouvre la voie à des relations moins verticales, davantage basées sur la réciprocité et l’écoute. À l’heure où les tensions postcoloniales refont surface dans les débats publics, penser une francophonie plus fluide pourrait être l’un des rares terrains communs où les mémoires blessées et les cultures en mouvement trouvent un espace de réinvention.

1 réflexion au sujet de « Afrique : des élus français veulent une francophonie "créolisée" »

  1. « Afrique : des élus français veulent une francophonie « créolisée » »

    Une initiative ridicule d’aucun sens qui donne naissance à une idée esclavagiste par défaut. Si les frères et soeurs exportés au-delà de leur continent et se communiquent en créole c’est parce qu’ils avaient perdu leur langue vernaculaire, et la plupart des temps ils sont séparés s’ils parlent le même dialecte.
    En Guyane Française par exemple:
    Amiôh « Fon »
    Pédah « Toutou
    Les Guyanais appellent Toutou « Matoutou »
    J’aime bien « Dakoin », désolé je ne peux pas créoliser « Dakoin »
    Cette tâche de créoliser la francophone serait un échec de départ, car les africains ont leurs langues maternelles qui se comptent par milliers à travers le continent.
    Si le colon désire de fil à tordre, je l’enverrai au tableau à dessiner pour une meilleure innovation ou initiative.

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