Armement : les USA ont le vent en poupe en Europe

Pendant plusieurs décennies, l’Europe a fait figure de puissance industrielle en matière d’armement, capable de rivaliser avec les géants mondiaux grâce à des fleurons nationaux et des coopérations régionales ambitieuses. L’avion de chasse Rafale, les frégates FREMM ou encore les programmes conjoints comme l’Eurofighter témoignaient de cette vitalité. Mais ces dernières années, un glissement s’opère. Sur fond d’inquiétudes sécuritaires et de guerre en Ukraine, les États-Unis renforcent leur position de fournisseur privilégié de matériels militaires sur le continent. Ce virage, souvent motivé par l’urgence et la fiabilité des équipements proposés, marque un recul concret de l’autonomie stratégique européenne.

Des préférences affirmées pour le matériel américain

La percée américaine ne se limite plus à quelques achats isolés : elle s’étend à des segments clés des arsenaux européens. L’Allemagne, après une première acquisition d’avions F-35, prévoit d’en commander une nouvelle série. Ce modèle de chasse multirôle, fabriqué par Lockheed Martin, séduit de plus en plus d’États membres de l’OTAN. Outre ses capacités techniques, il bénéficie d’un soutien logistique et politique considérable.

En Espagne, les hésitations sont révélatrices. Bien que l’exécutif espagnol défende publiquement le programme Eurofighter, le haut commandement militaire montre un net penchant pour l’appareil américain. Le chef des forces armées, l’amiral Teodoro Esteban López Calderón, notamment, insiste sur les avantages opérationnels du F-35, mettant en lumière les tensions entre discours officiel et choix stratégiques internes.

Ce n’est pas tout. La marine allemande envisage d’intégrer à ses navires des missiles de croisière développés aux États-Unis. Cette orientation vers des armements standardisés OTAN, souvent conçus et fournis par Washington, s’étend à plusieurs branches des forces armées européennes. Les missiles mentionnés sont les Tomahawk Block IV et SM-6.

Commandes en cours et nouveaux projets

Au-delà des avions et des missiles, d’autres équipements suscitent l’intérêt de plusieurs pays. La Norvège pourrait prochainement acquérir une nouvelle flotte d’hélicoptères américains destinés aux missions de recherche et de sauvetage. Ce contrat, s’il est validé, représenterait un investissement de 2,6 milliards de dollars pour neuf hélicoptères HH-60W « Jolly Green II ».

Dans un autre registre, Berlin a officiellement soumis une demande aux autorités américaines pour accéder à un système de lancement terrestre de moyenne portée. Ce projet, en attente de validation par l’agence américaine compétente (Defense Security Cooperation Agency – DSCA), porterait sur le système Typhon (Mid-Range Capability, ou MRC), également développé par Lockheed Martin. Cette demande a été évoquée le 14 juillet, lors d’une réunion à Washington entre le ministre allemand de la Défense et Pete Hegseth, chef du Pentagone.

Un alignement qui interroge

Ces décisions, prises séparément par différents gouvernements européens, convergent vers une dépendance croissante à l’égard de l’industrie d’armement américaine. Les raisons sont multiples : performances techniques, interopérabilité au sein de l’OTAN, délais de livraison, pression diplomatique. Mais ce virage soulève des interrogations. L’Europe, qui prône depuis des années une défense autonome, peine à concrétiser ses ambitions. Les initiatives européennes restent souvent freinées par des divergences politiques, des retards industriels ou des intérêts nationaux divergents.

À mesure que les achats se multiplient, l’espace laissé aux industriels européens se réduit. Les États-Unis, eux, consolident leur avance, non par imposition, mais par séduction stratégique. La logique d’efficacité immédiate l’emporte sur la construction patiente d’une indépendance militaire. Résultat : le Vieux Continent, jadis bâtisseur de sa propre puissance, semble aujourd’hui sous-traiter sa sécurité à un partenaire de plus en plus incontournable.

2 réflexions au sujet de “Armement : les USA ont le vent en poupe en Europe”

  1. Quand on voit comment Trump a transformé le conflit ukro en transaction commerciale, on reste un poil choqué par le cynisme du « cousin américain »

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  2. Les européens sont tellement paniqués à l’idée que les américains puissent les abandonner à leur triste sort qu’ils sont prêts à leur acheter n’importe quoi, y compris cette daube de F-35.

    Et quand les économies européennes n’auront plus d’argent, les américains les laissseront tomber

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