Brics : la Russie clarifie la position sur le dollar

L’idée d’un monde sans dollar hante depuis des années les réflexions géopolitiques, notamment parmi les pays émergents. Pourtant, au sein des Brics – le bloc formé par le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, rejoints récemment par d’autres – la démarche semble moins radicale que certains l’imaginent. Contrairement aux spéculations sur une devise commune ou la disparition du billet vert, aucune initiative n’a été engagée pour écarter le dollar des transactions mondiales. Ce qui prend forme est moins spectaculaire, mais plus pragmatique : un glissement vers l’usage des monnaies nationales dans les échanges.

La Russie illustre cette réorientation. Frappée de sanctions depuis l’invasion de l’Ukraine, elle s’est vu exclure de nombreux circuits financiers liés au dollar. Cette mise à l’écart n’a pas donné lieu à une croisade contre la devise américaine. Elle a plutôt déclenché un mouvement vers des formes de règlements jugées plus résilientes. Moscou s’est ainsi tournée vers des transactions en roubles, yuans, roupies ou autres devises des partenaires Brics, cherchant à sécuriser ses échanges contre les blocages unilatéraux.

Un changement de cap dicté par les circonstances

La bascule actuelle ne relève donc pas d’un rejet idéologique du dollar, mais d’une nécessité imposée par l’actualité géopolitique. Pour la Russie, l’objectif n’est pas d’imposer une alternative au système monétaire dominé par les États-Unis, mais de trouver des solutions de contournement stables et viables. À ce jour, plus de 90 % des transactions de la Russie avec les membres des Brics s’effectuent déjà dans les monnaies locales, preuve que cette transformation est bien entamée.

Cette dynamique est également renforcée par un consensus au sein des Brics : celui de ne pas se lancer dans un affrontement frontal avec le système existant. Les discussions ne portent pas sur le remplacement du dollar, mais sur des outils de paiement capables d’échapper aux turbulences politiques ou aux sanctions extraterritoriales. Il s’agit de construire un échafaudage parallèle, et non de dynamiter la structure centrale.

L’exemple pourrait être comparé à une route secondaire tracée pour éviter un péage devenu impraticable, plutôt qu’à la construction d’une autoroute pour concurrencer celle existante. La recherche de solutions internes, adaptées à leurs spécificités économiques, donne aux Brics une plus grande autonomie sans bouleverser les équilibres globaux.

Des équilibres monétaires redessinés sans fracas

Cette orientation vers les monnaies nationales n’implique pas une volonté d’uniformisation. Les Brics ne cherchent pas à créer une devise unique ni à fusionner leurs systèmes. Chaque pays conserve sa politique monétaire et son autonomie, mais avec l’idée d’ajuster les outils d’échange aux réalités actuelles. La multipolarité économique se reflète ici dans les pratiques commerciales, et non dans la création d’un nouvel étalon mondial.

L’absence de débat sur la fin du dollar au sein des Brics traduit ainsi une forme de réalisme. Les pays du groupe sont conscients que le billet vert reste aujourd’hui incontournable pour de nombreux flux mondiaux. L’enjeu n’est donc pas de le détrôner, mais de ne pas y être exposé de manière excessive ou vulnérable. Cela revient à diversifier les circuits d’approvisionnement et de financement, à l’image d’une entreprise qui ne dépendrait plus d’un seul fournisseur stratégique.

1 réflexion au sujet de « Brics : la Russie clarifie la position sur le dollar »

  1. Bon article!
    En sanctionnant Trump oblige les sanctionnés à accélérer la recherche de solutions alternatives. Il obtient logiquement l’inverse de ce qu’il recherche.

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