Dessalement au Maghreb : comment l’agriculture a été sauvée dans ce pays

Face à l’avancée de la sécheresse et à l’effondrement des ressources hydriques, certains territoires n’ont eu d’autre choix que de se tourner vers la mer. Le dessalement de l’eau, longtemps jugé coûteux et marginal, s’impose aujourd’hui comme un levier crucial de résilience pour les pays confrontés à la raréfaction de l’eau douce. Dans les zones désertiques ou semi-arides, cette technologie ne permet pas seulement de répondre aux besoins en eau potable : elle soutient aussi l’économie, maintient les populations rurales en place et sauve des filières agricoles entières menacées par les effets du dérèglement climatique. Le sud du Maroc en offre un exemple frappant.

Une réponse décisive à la sécheresse agricole

Dans la plaine de Chtouka, au sud-ouest du pays, les exploitations agricoles dépendent désormais entièrement de l’eau transformée à partir de l’océan. Grâce à une infrastructure de dessalement installée à proximité, 12.000 hectares de terres cultivées continuent d’être irriguées, alors que les précipitations sont devenues quasi inexistantes. Pour Azura, une grande entreprise spécialisée dans la production de tomates cerises, cette eau est devenue vitale. Sans elle, selon sa direction, l’activité aurait cessé, emportant avec elle des centaines d’emplois et toute une économie locale.

Ce projet a non seulement permis de maintenir la productivité agricole, mais il a également préservé des milliers de tonnes de fruits et légumes destinés aux marchés nationaux et internationaux. L’impact se mesure aussi en chiffres : plus de 860 millions d’euros de valeur ajoutée sont conservés chaque année grâce à l’approvisionnement en eau dessalée, selon les estimations d’un cadre du secteur agricole régional à l’AFP. Ce maintien de l’activité permet de protéger un tissu social fragile, fait d’ouvriers agricoles, de transporteurs et de prestataires logistiques. Là où la terre menaçait de devenir improductive, le dessalement a rouvert des perspectives.

Une infrastructure au service des champs et des foyers

Au-delà des cultures, la station installée près d’Agadir assure aussi un approvisionnement quotidien en eau potable pour les habitants de la ville et des communes voisines. Chaque jour, 150.000 mètres cubes d’eau sont ainsi redistribués à environ 1,6 million de personnes. Ce double usage – agricole et domestique – permet d’éviter des conflits d’usage souvent observés ailleurs, lorsque l’eau devient rare et les priorités divergentes.

Le choix d’un modèle hybride, capable d’irriguer et d’alimenter en eau potable, s’avère ici déterminant. Il garantit la continuité des services publics de base tout en protégeant les récoltes, dans une région stratégique pour l’approvisionnement alimentaire du pays.

Une solution critiquée mais devenue incontournable

Bien que salutaire, cette technologie soulève encore des débats. Son coût élevé, son besoin en énergie et les rejets de sel dans l’environnement marin font l’objet de nombreuses critiques. Pourtant, pour les responsables locaux, le calcul est vite fait : en l’absence d’alternative viable à court terme, cette méthode représente une assurance contre l’effondrement d’un secteur entier. Certains projets misent d’ailleurs sur des énergies renouvelables pour compenser leur empreinte écologique et améliorer leur viabilité à long terme.

Le cas de Chtouka montre que le dessalement n’est plus un choix d’appoint, mais un pilier de la stratégie hydrique et agricole. Il démontre également qu’une région peut se réinventer autour d’une ressource autrefois négligée. Là où l’eau devient plus précieuse que jamais, transformer la mer en moteur agricole pourrait bien être l’un des paris les plus audacieux – et les plus nécessaires – du XXIe siècle.

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