À l’heure où la fragilité des systèmes sanitaires africains devient une évidence, la première Conférence de haut niveau sur le Financement de la santé en Afrique, tenue à Cotonou les 10 et 11 juillet 2025, a fait émerger un consensus : pour bâtir des systèmes de santé résilients, il faut dépasser les modèles classiques et intégrer pleinement le secteur privé dans une dynamique de partenariat public-privé bien encadrée.
Organisée par la Plateforme du Secteur Sanitaire Privé du Bénin (PSSP), avec le soutien du gouvernement et de partenaires techniques et financiers, cette conférence a réuni pendant deux jours des décideurs politiques, des représentants d’organisations régionales, d’ONG, de plateformes privées et d’agences onusiennes, dans une démarche résolument tournée vers l’action. Cette initiative a été fortement soutenue par le peuple américain ainsi que SpeakUpAfrica. Le thème principal de cette rencontre est : « Construire des systèmes de santé résilients : Tirer parti des partenariats public-privé pour un financement durable de la santé ».
Le financement durable au cœur des débats
Pour le Dr Latif Abdou Mousse, président de la PSSP et hôte de la rencontre, il s’agissait de « jeter les bases d’un nouveau paradigme de financement, fondé sur des mécanismes innovants, une fiscalité affectée, des assurances inclusives et une reconnaissance officielle du secteur privé comme levier d’intérêt public ».
L’état des lieux est sans appel : seuls 5 % des pays africains respectent l’engagement d’Abuja de consacrer 15 % de leur budget national à la santé. Et, selon le Représentant résident de l’OMS, 44 % des dépenses de santé sont encore directement supportées par les ménages. Un modèle que tous s’accordent à juger insoutenable.
Le secteur privé, un partenaire sous-utilisé
Dr Joseph Boguifo, président de la Fédération Ouest-Africaine du Secteur Privé de la Santé (FOASPS), a rappelé que dans plusieurs pays, le privé assure jusqu’à 60 % des soins et investit massivement dans l’innovation, la formation et la pharmaceutique. « Le secteur privé n’est pas un concurrent de l’État, mais un partenaire enraciné dans les territoires, proche des besoins réels des populations », a-t-il martelé.
Cet appel à une meilleure reconnaissance du rôle du privé a été appuyé par Hugues Tchibozo, représentant du Directeur général de l’Organisation Ouest-Africaine de la Santé (OOAS), qui a souligné l’urgence de « repenser les modèles de financement et d’adapter les cadres réglementaires aux enjeux actuels ».
Bonnes pratiques et innovations partagées
Plusieurs expériences concrètes ont été valorisées. Notamment le projet ARS3, mis en œuvre par PSI/ABMS, qui couvre quatre départements au Bénin avec une attention particulière à la santé maternelle, néonatale et infantile. « Ce sont 230 structures sanitaires accompagnées, des équipements acquis, et des vies sauvées grâce à une coordination renforcée », a indiqué Emery Nkurunziza, représentant résident de PSI.
Le panel 6, animé par Speak Up Africa, a porté un regard spécifique sur le paludisme. À partir du rapport « Changez l’histoire, sauvez des vies », les participants ont plaidé pour le cofinancement, les fonds de garantie, l’usage accru de la télémédecine et une meilleure implication du secteur privé dans les zones rurales.
Une conférence au ton résolument réformateur
Les différentes interventions, qu’il s’agisse de Mme Agnès Lissa Vissoh représentant le ministre de la Santé du Bénin, ou du Pr Abdou Lamidi Salami, président du Conseil national des soins de santé primaire, ont convergé vers une même exigence : celle d’institutionnaliser le dialogue entre public et privé, de garantir l’équité dans l’accès aux soins et de transformer le financement de la santé en un levier central de développement humain.
Le ministre de la Santé, représenté pour l’occasion, a salué dans son message de clôture la « qualité des échanges, l’engagement collectif des acteurs, et la richesse des recommandations issues des travaux », tout en affirmant que la déclaration finale issue de la conférence servira désormais de référence dans les réformes à venir.



