Face à la nécessité pour l’Afrique de valoriser ses ressources gazières, deux projets ambitieux s’affrontent : l’un porté par le Nigeria et l’Algérie, l’autre par le Nigeria et le Maroc. Le premier mise sur une liaison traversant le Niger pour rejoindre les infrastructures algériennes, avec une orientation vers le sud de l’Europe via la Méditerranée. Le second propose un tracé plus long, longeant la côte atlantique, avec un maillage de plusieurs États ouest-africains. Cette rivalité énergétique dépasse les tuyaux : elle reflète aussi des visions géopolitiques divergentes sur l’intégration régionale, les partenariats et l’influence sur les marchés européens.
Le Maroc enclenche la machine
Le Maroc vient d’avancer un pion majeur par la voix de Leila Benali, ministre marocaine de la Transition énergétique et du Développement durable. Elle a confirmé le démarrage prochain d’un segment national du gazoduc prévu avec le Nigeria, entre Nador, sur la Méditerranée, et Dakhla, dans l’extrême sud du pays. Cette première portion, à six milliards de dollars, préfigure la future interconnexion avec les pays d’Afrique de l’Ouest, qui à terme seront reliés aux gisements nigérians. La ministre chargée de l’énergie a précisé que les travaux de cette section débuteront fin juillet.
Ce choix de commencer par une partie purement marocaine du tracé permet à Rabat de marquer sa volonté de concrétiser l’initiative sans attendre les étapes ultérieures du projet transfrontalier. C’est également une manière de montrer aux investisseurs que la phase opérationnelle est enclenchée, avec une priorité donnée aux portions maîtrisées localement.
Un itinéraire qui cherche à fédérer
Au-delà de la construction physique, ce gazoduc se veut un catalyseur d’interdépendance régionale. En impliquant potentiellement onze pays africains, l’initiative marocaine joue sur la carte d’une solidarité énergétique entre États riverains de l’Atlantique. L’objectif est de permettre à plusieurs de ces pays de profiter du transit gazier, soit en accédant eux-mêmes à une ressource énergétique stable, soit en intégrant un marché régional du gaz jusqu’ici embryonnaire.
L’enjeu est aussi diplomatique : en se positionnant comme plate-forme de distribution et de transit vers l’Europe, le Maroc entend renforcer ses partenariats au sud comme au nord, tout en élargissant sa marge de manœuvre vis-à-vis des autres pôles gaziers du continent. Le début des travaux nationaux représente donc plus qu’un jalon technique : c’est une opération d’influence, un signal lancé aux capitales africaines et européennes.



