Depuis plusieurs décennies, les grandes fortunes se concentrent largement en Occident, où les États-Unis dominent un classement mondial façonné par des décennies de capitalisme financier, d’innovations technologiques et de patrimoine immobilier accumulé. La Silicon Valley, Wall Street ou encore les grandes métropoles européennes comme Londres et Zurich montrent cette concentration des richesses. Toutefois, la Chine, en l’espace d’une génération, a changé les règles du jeu. Son essor économique fulgurant a vu émerger des millions de nouveaux riches, propulsés par la croissance industrielle, l’immobilier urbain et l’e-commerce. Des villes comme Shenzhen ou Hangzhou abritent désormais des fortunes comparables à celles des capitales occidentales. Mais malgré cette montée en puissance asiatique, certains pays européens parviennent à retrouver leur place dans ce paysage mouvant. C’est le cas de la France, qui, selon le dernier rapport mondial sur la richesse publié par UBS, vient de reprendre la troisième place dans le classement mondial des pays abritant le plus grand nombre de millionnaires.
Un trio de moteurs : immobilier, bourse et luxe
Avec 2,89 millions d’individus détenant un avoir supérieur au million de dollars, la France remonte à la troisième place mondiale, derrière les États-Unis (23,8) et la Chine (6,3), devançant ainsi les autres grandes puissances économiques. En l’espace d’un an, le pays a vu sa population de millionnaires croître de 20 000 individus, un rebond significatif qui s’explique par des leviers bien précis. Le premier, et sans doute le plus emblématique, reste la valorisation du patrimoine immobilier résidentiel, notamment dans les grandes agglomérations comme Paris, Lyon ou Bordeaux. La raréfaction de l’offre et l’attractivité du centre-ville ont continué de tirer les prix vers le haut.
Le second facteur, la reprise boursière a offert aux investisseurs tricolores une nouvelle bouffée d’oxygène. Après une période marquée par l’instabilité financière, les marchés ont retrouvé des couleurs, valorisant les portefeuilles d’actions et dynamisant les gains en capital. Ce cocktail d’opportunités a ainsi permis à l’Hexagone de se replacer dans la course mondiale aux grandes fortunes.
Le dernier facteur repose sur la bonne santé de l’industrie du luxe et de la mode. Enracinés dans l’ADN économique français, les groupes comme LVMH, Hermès ou Kering ont non seulement renforcé leur domination à l’international, mais aussi permis l’enrichissement de nombreux actionnaires et cadres dirigeants. Ce secteur, qui conjugue prestige, innovation et savoir-faire artisanal, reste un pilier solide face aux incertitudes économiques.
Une dynamique révélatrice de nouvelles fractures
La progression de la France dans ce classement reflète davantage qu’un simple rattrapage économique. Elle met en lumière une recomposition des hiérarchies de richesse au sein des économies développées, mais aussi les tensions qu’elle engendre. L’augmentation du nombre de millionnaires ne signifie pas une réduction des inégalités, bien au contraire. Dans un pays souvent fracturé par les débats sur la fiscalité, le pouvoir d’achat ou l’accès au logement, cette montée en puissance des ultra-riches risque de raviver les clivages sociaux.
Par ailleurs, cette nouvelle place souligne la résilience de certains secteurs stratégiques. Le luxe, souvent jugé élitiste, apparaît ici comme une locomotive économique réelle, tandis que l’immobilier continue de façonner des fortunes discrètes mais solides. Ainsi, la France s’impose comme un acteur à part entière dans le cercle restreint des nations qui concentrent les patrimoines les plus importants, derrière les États-Unis et la Chine, qui forment un binôme difficile à détrôner.



