Hydrocarbures au Maroc : hausse exponentielle des livraisons à l'Espagne

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les cartes de l’approvisionnement énergétique en Europe ont été largement rebattues. L’Union européenne, confrontée à l’instabilité de ses sources habituelles, a dû accélérer sa diversification. Dans cette recomposition géopolitique du marché de l’énergie, certains pays, jusqu’alors considérés comme périphériques dans le commerce pétrolier continental, ont su se frayer un chemin vers le cœur des flux énergétiques européens. Le Maroc en est un exemple frappant.

Le Maroc surclasse ses voisins dans les flux vers l’Espagne

Les volumes expédiés par Rabat vers le territoire espagnol ont connu une envolée spectaculaire. En l’espace d’un an, les envois marocains ont été multipliés par plus de cinq, atteignant 206 000 tonnes depuis janvier 2025. Ce chiffre contraste fortement avec les 39 000 tonnes expédiées sur toute l’année précédente. Selon la Corporation des réserves stratégiques de produits pétroliers (Cores), cette progression représente une hausse de 428 %, un chiffre qui propulse le Maroc parmi les fournisseurs désormais incontournables de l’Espagne.

Une telle progression dépasse largement les dynamiques habituelles du marché régional et témoigne d’un changement d’échelle. L’Espagne, en quête de partenaires sûrs et réactifs, a visiblement trouvé dans le Maroc un relais crédible, au moment où d’autres fournisseurs traditionnels enregistrent un net recul.

L’exemple le plus parlant est celui de l’Algérie, longtemps considérée comme pilier des exportations vers l’Espagne. Mais les tensions politiques et la baisse des volumes livrés ces derniers mois ont ouvert une brèche dont le Maroc a su tirer parti. Le royaume semble désormais jouer un rôle pivot dans la redistribution des flux énergétiques au sein du Maghreb.

Rabat s’affirme comme une interface énergétique régionale

Plus qu’un simple bond ponctuel, cette progression marocaine traduit une reconfiguration structurelle du rôle du pays sur la scène énergétique. Grâce à une logistique bien huilée et une diplomatie économique active, le Maroc s’est positionné à la croisée des routes du pétrole et du gaz, capable d’absorber, transformer ou rediriger des cargaisons selon les besoins de ses partenaires.

Cette capacité à capter la demande ibérique montre aussi un changement de statut : Rabat n’est plus seulement un consommateur ou un point de passage, mais un véritable levier dans la stratégie énergétique de ses voisins. Cette nouvelle posture pourrait, à terme, ouvrir la voie à d’autres partenariats et renforcer son influence dans les négociations autour des corridors énergétiques euro-méditerranéens.

Un tournant stratégique pour la péninsule ibérique

Du point de vue espagnol, cette redirection des flux traduit une volonté d’alléger la dépendance à des partenaires devenus moins prévisibles. En diversifiant ses points d’approvisionnement, Madrid cherche à sécuriser son avenir énergétique sans être exposée aux aléas géopolitiques. L’arrivée en force du Maroc dans ce paysage n’est donc pas un hasard : c’est le fruit d’un alignement entre besoin stratégique et opportunité logistique.

Si cette dynamique se confirme, elle pourrait remodeler durablement l’échiquier énergétique de la région. L’Espagne, en misant sur la flexibilité et la proximité, trouve dans son voisin du sud un partenaire aux ambitions nouvelles. Quant au Maroc, cette percée pourrait bien n’être qu’un prélude à un rôle plus central dans les échanges énergétiques entre le Maghreb et l’Europe.

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