Le lithium zimbabwéen attire la Chine

Le lithium s’impose comme l’un des piliers de l’électrification mondiale. Utilisé dans les batteries de voitures électriques, smartphones et autres appareils portables, ce métal léger est devenu un enjeu stratégique pour les grandes puissances. Malgré une chute brutale de son cours liée à une offre excédentaire et à une demande plus timide que prévu, la Chine poursuit ses investissements dans ce secteur, notamment au Zimbabwe, qui abrite des gisements encore largement sous-exploités.

Une usine à 270 millions de dollars portée par des intérêts chinois

Dans la province du sud zimbabwéen, la mine de Sandawana s’apprête à accueillir un concentrateur de lithium de grande capacité. Ce projet de 270 millions de dollars, piloté par Kuvimba Mining House, vise une capacité annuelle de 600 000 tonnes de minerai traité. La construction doit démarrer au troisième trimestre 2025, pour une mise en service prévue début 2027, selon les précisions apportées par le directeur général, Trevor Barnard.

Deux groupes métallurgiques chinois majeurs accompagneront Kuvimba dans ce projet. Le montage prévoit une gestion complète de l’installation par les entreprises chinoises pendant cinq ans, avant que l’usine ne soit transférée à leur partenaire local. Une approche qui reflète la stratégie habituelle de Pékin, misant sur la sécurisation rapide des matières premières critiques via des partenariats structurés mais temporaires.

Un rôle croissant dans l’approvisionnement chinois

Le Zimbabwe s’impose peu à peu comme une pièce essentielle du dispositif chinois d’approvisionnement en lithium. En 2023, il représentait environ 14 % des importations de lithium de la Chine, selon les données du cabinet CRU. Ce chiffre, en hausse constante, témoigne de l’intérêt soutenu de Pékin pour les gisements africains, perçus comme plus accessibles et moins régulés que ceux d’autres régions.

Malgré la volatilité du marché, les groupes chinois continuent de renforcer leur présence au Zimbabwe. L’effondrement du prix du lithium, estimé à près de 90 % depuis son pic, ne semble pas freiner cet appétit. Cette persistance s’explique par la volonté de garantir, quoi qu’il en coûte, l’alimentation des chaînes de production chinoises de batteries, qui dominent largement le marché mondial.

Un pari économique risqué pour Harare

Du côté zimbabwéen, cette offensive étrangère offre une opportunité de diversification économique. En misant sur le lithium, Harare espère réduire sa dépendance à l’or et au platine, tout en attirant des devises et des investissements. Mais la stratégie reste risquée. L’essentiel de la valeur ajoutée est générée en dehors du pays, lors des étapes de raffinage et d’assemblage, dont le Zimbabwe reste exclu.

Le modèle de cession différée retenu avec les groupes chinois interroge sur la souveraineté réelle du pays sur ses ressources. Sans un effort clair pour bâtir des capacités locales de transformation et une politique de contenu local ambitieuse, le Zimbabwe pourrait rester enfermé dans son rôle de simple fournisseur de matières premières brutes. Ce scénario pèserait lourdement sur ses ambitions industrielles et sur les bénéfices à long terme pour sa population.

Le projet de Sandawana symbolise bien plus qu’une opération minière : il incarne un bras de fer silencieux entre puissances pour l’accès à des ressources clés. Dans ce contexte, l’Afrique devient un terrain stratégique où se redéfinissent les équilibres de demain. Pour le Zimbabwe, l’enjeu est de taille : s’imposer comme un acteur du changement énergétique mondial, sans en rester un spectateur périphérique.

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