Migrants expulsés : l’Eswatini recadre Washington

Les États-Unis ont récemment entrepris une série d’expulsions inédites vers des pays tiers, dans le cadre d’une stratégie migratoire durcie sous l’impulsion du président Donald Trump. Parmi ces opérations figure l’expulsion vers l’Eswatini d’un groupe de personnes reconnues coupables de crimes graves. Originaires du Vietnam, de la Jamaïque, du Laos, du Yémen et de Cuba, ces anciens détenus n’auraient, selon les autorités américaines, pas pu être renvoyés directement chez eux en raison du refus de leurs gouvernements respectifs.

Mais cette version des faits est contestée à Mbabane. Le gouvernement d’Eswatini a tenu à clarifier sa position : il ne s’agit nullement d’accueillir ces individus de façon permanente. Le royaume, souvent absent des projecteurs internationaux, se retrouve au cœur d’une controverse migratoire qu’il juge mal interprétée. Dans une déclaration officielle, les autorités locales ont affirmé que leur rôle se limite à faciliter le passage des expulsés vers leur destination finale, en étroite coordination avec les États-Unis et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Un bras de fer diplomatique en filigrane

Cette divergence de récits n’est pas sans conséquences diplomatiques. D’un côté, les États-Unis, par la voix de Tricia McLaughlin, porte-parole du Département de la sécurité intérieure (DHS), ont laissé entendre que certains États refusent catégoriquement de réadmettre leurs ressortissants, même après purges de peines, en raison de leur dangerosité présumée. De l’autre, l’Eswatini insiste : aucune opposition de principe n’a été exprimée par les pays concernés pour le retour de leurs nationaux. Le royaume estime avoir simplement accepté un rôle logistique dans cette chaîne de transferts, rôle qu’il continue d’assumer en lien avec ses partenaires.

Ce flou autour de la véritable nature de la coopération jette une lumière crue sur les pratiques américaines en matière d’expulsion. Alors que la Cour suprême des États-Unis a récemment validé la possibilité de renvoyer des individus vers des pays tiers, les implications pratiques de ces décisions se heurtent à des complexités diplomatiques et juridiques sur le terrain. L’Eswatini devient ainsi malgré lui un révélateur des tensions croissantes entre politiques migratoires unilatérales et coopérations internationales nécessaires.

Un précédent aux répercussions incertaines

Au-delà du cas précis de ces expulsions vers l’Eswatini, cette affaire soulève une question sensible : que faire des individus indésirables à la fois dans leur pays d’origine et dans leur pays d’accueil ? Le recours aux États tiers, qui rappelle certaines pratiques controversées en matière d’externalisation des contrôles migratoires, pourrait ouvrir une brèche dans le droit international si les rôles des différents États impliqués ne sont pas clairement définis.

Le gouvernement d’Eswatini, en réaffirmant qu’il n’a ni vocation ni intention d’accueillir ces personnes sur le long terme, semble vouloir éviter toute confusion susceptible d’entacher son image ou de le transformer en maillon faible d’une politique qui ne le concerne qu’indirectement. En s’alignant sur une posture de neutralité logistique, Mbabane entend protéger sa souveraineté sans se désolidariser complètement de ses partenaires internationaux.

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