En matière de ressources naturelles, peu de pays africains peuvent rivaliser avec la Guinée. Son sous-sol regorge de bauxite, pierre angulaire de la production d’aluminium, utilisée dans tout — de l’aéronautique aux canettes de soda. Cette richesse colossale a attiré de nombreux partenaires étrangers, mais les retombées locales restent souvent limitées. Face à cette situation, les autorités guinéennes ont décidé de reprendre une partie du contrôle, en intervenant sur un maillon essentiel mais jusque-là négligé : le transport.
Redessiner les routes maritimes de la bauxite
Pour rééquilibrer les échanges, la Guinée vient de fixer une nouvelle règle aux entreprises exportatrices de bauxite : la moitié des volumes devront désormais transiter à bord de navires opérés sous immatriculation guinéenne. Autrement dit, l’État impose sa présence dans les opérations de sortie du minerai, un domaine jusqu’ici laissé aux acteurs étrangers. L’objectif est clair : ne plus se limiter à l’extraction, mais intervenir aussi sur les routes maritimes, là où une part importante de la valeur économique circule.
Cette orientation, rapportée par le site news.metal.com, a conduit à la naissance d’une nouvelle structure de transport : la Guinéenne des Transports Maritimes, ou GUITRAM. Cette société, fraîchement créée, aura pour mission de gérer une part significative des chargements en direction de l’étranger. Cette initiative, déclarée par le ministre des Mines et de la Géologie Bouna Sylla, traduit un changement de posture stratégique : la Guinée ne veut plus seulement être un fournisseur de matière brute, mais aussi un acteur logistique à part entière.
En complément, les autorités ont mis en place le Guinea Bauxite Index (GBX), un mécanisme destiné à standardiser la fixation des prix d’exportation de la bauxite. Ce système cherche à garantir une évaluation plus claire et objective de la valeur du minerai guinéen sur le marché mondial, renforçant ainsi le poids de la Guinée lors des discussions commerciales.
Un levier économique et politique
Ce recentrage logistique ouvre plusieurs perspectives. Il pourrait permettre au pays de générer plus de revenus, de renforcer ses compétences dans le secteur maritime, et de réduire sa dépendance à l’égard d’armateurs étrangers. C’est aussi un signal politique : la Guinée entend dicter ses propres règles en matière d’exploitation de ses ressources, plutôt que de se contenter d’en observer la sortie.
En prenant la main sur le transport de la bauxite, Conakry cherche à verrouiller une part des flux financiers liés à son minerai-phare. Cette approche reflète une tendance plus large sur le continent, où plusieurs États redéfinissent les modalités de participation aux chaînes de valeur extractives. En engageant cette réforme, la Guinée veut prouver qu’elle ne se contente plus d’être riche en sous-sol, mais qu’elle compte bien capitaliser, à ses conditions, sur cette richesse.



