Face à la montée de l’insécurité alimentaire et à la multiplication des chocs climatiques, l’Afrique s’interroge sur l’opportunité d’adopter les organismes génétiquement modifiés (OGM). Si certains États y voient une réponse technologique adaptée à leurs défis, d’autres refusent catégoriquement cette option au nom de la santé publique, de l’environnement et de l’autonomie agricole.
Une adoption inégale sur le continent
Le marché mondial des OGM devrait passer de 615,4 millions de dollars en 2018 à environ 871 millions d’ici 2025, selon les prévisions du secteur. Sur le continent africain, toutefois, cette croissance reste largement entravée par la diversité des régulations et les controverses persistantes. L’Afrique du Sud, pionnière dans ce domaine, cultive commercialement des cultures modifiées telles que le maïs, le coton et le soja. Des pays comme le Ghana et le Nigéria, de leur côté, poursuivent des essais encadrés, sans avoir encore autorisé une production à grande échelle.
À l’inverse, l’Algérie, Madagascar et le Zimbabwe ont interdit à la fois l’importation et la culture d’OGM, invoquant des risques potentiels pour la biodiversité, la santé humaine et la souveraineté des pratiques agricoles locales. Cette résistance s’inscrit dans une volonté de préserver des systèmes agricoles jugés plus résilients et autonomes.
Des semences aux promesses techniques multiples
Les OGM se distinguent des semences conventionnelles par leur capacité à intégrer des gènes spécifiquement sélectionnés pour conférer une résistance accrue aux aléas climatiques, aux maladies et aux insectes ravageurs. Pour les défenseurs de cette technologie, ces caractéristiques pourraient permettre à l’agriculture africaine de mieux faire face aux sécheresses prolongées, aux inondations récurrentes et à la pression démographique croissante.
Cependant, ces promesses ne suffisent pas à dissiper les inquiétudes. Le débat scientifique demeure vif sur les impacts environnementaux à long terme, la cohabitation avec les cultures traditionnelles, ainsi que sur les implications économiques pour les petits producteurs, souvent exclus des circuits de production et de certification.
Une régulation à géométrie variable
Sur le plan réglementaire, plusieurs pays ont tenté de structurer un cadre autour de l’usage des OGM. Le Ghana et l’Afrique du Sud se sont dotés de lois de biosécurité et de politiques d’étiquetage visant à garantir la traçabilité des produits génétiquement modifiés. Néanmoins, dans d’autres États, l’absence de cadres juridiques robustes, couplée à un déficit de capacités techniques pour évaluer les risques, freine toute progression vers une légalisation ou une interdiction formelle.
La question de la régulation ne concerne pas seulement les normes sanitaires, mais engage aussi des enjeux géopolitiques. Le débat sur les OGM révèle une tension entre l’ouverture aux innovations internationales et la défense des savoirs agricoles locaux dans un contexte où les firmes multinationales occupent une place dominante sur le marché des semences transgéniques.
Des choix stratégiques dans un contexte de crise alimentaire
Alors que l’Afrique importe chaque année des quantités croissantes de denrées alimentaires, et que les conditions climatiques deviennent de plus en plus imprévisibles, les gouvernements sont confrontés à un dilemme stratégique. Faut-il favoriser une agriculture de haute technologie pour maximiser les rendements ou miser sur la diversification locale et agroécologique pour préserver les ressources naturelles ?
Au-delà des oppositions idéologiques, la question centrale reste celle de la capacité des États à définir leur propre trajectoire agricole, en tenant compte à la fois des urgences alimentaires et des impératifs de durabilité. Le choix d’adopter ou non les OGM s’inscrit ainsi dans une réflexion plus large sur le futur du développement agricole en Afrique.



