Pollution de l’air : ce lien méconnu avec la démence inquiète les scientifiques

Une nouvelle étude internationale, publiée dans The Lancet Planetary Health, renforce les inquiétudes croissantes sur les effets de la pollution atmosphérique sur la santé cognitive. Menée par une équipe de chercheurs de l’unité d’épidémiologie de l’Université de Cambridge, cette recherche souligne le lien entre l’exposition prolongée à certains polluants et une augmentation significative du risque de démence.

Une pathologie en forte progression mondiale

Près de 60 millions de personnes sont actuellement touchées par la démence, un chiffre qui pourrait atteindre 152,8 millions d’ici 2050, selon les projections issues d’une étude de 2022. Ce syndrome neurodégénératif, qui altère progressivement la mémoire, le raisonnement et les capacités de communication, est déjà la huitième cause de mortalité dans le monde. Face à cette tendance alarmante, les scientifiques cherchent à mieux cerner les facteurs de risque modifiables.

Des polluants bien identifiés

L’étude repose sur l’analyse croisée d’une cinquantaine de recherches menées en Amérique du Nord, en Europe, en Asie et en Australie. Elle met en lumière trois principaux polluants associés à une hausse du risque de démence : les particules fines (PM2,5), le dioxyde d’azote (NO₂) et la suie.

Les PM2,5, dont le diamètre est inférieur à 2,5 microns, proviennent majoritairement des véhicules thermiques, de la combustion de bois domestique et des émissions industrielles. D’après l’étude, chaque hausse de 10 microgrammes par mètre cube de PM2,5 augmente le risque de démence de 17 %. Une concentration déjà dépassée dans plusieurs villes européennes, dont Paris, où les niveaux moyens ont atteint 10,3 µg/m³ en 2023, contre une recommandation de 5 µg/m³ établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Autre donnée préoccupante : une exposition d’un seul microgramme par mètre cube de suie serait associée à une augmentation de 13 % du risque de démence.

Des implications au-delà du champ médical

Si la lutte contre la démence reste un enjeu de santé publique, les auteurs de l’étude insistent sur la dimension intersectorielle de la prévention. Pour Christiaan Bredell, l’un des co-auteurs principaux, les décisions en matière d’urbanisme, de politique des transports ou de régulation environnementale peuvent contribuer autant que les systèmes de soins à atténuer l’impact de la pollution sur le cerveau humain.

Les résultats de l’étude plaident donc pour un resserrement des normes de qualité de l’air, au nom d’une meilleure prévention des maladies cognitives. Les chercheurs estiment qu’une réduction de l’exposition à ces polluants pourrait se traduire par des bénéfices majeurs en termes de santé publique, de dépenses médicales et de qualité de vie.

Une alerte pour les politiques publiques mondiales

Cette recherche s’ajoute à une série croissante d’études mettant en évidence les effets de la pollution de l’air sur des fonctions biologiques bien au-delà des seuls poumons. Elle rappelle aussi que les défis sanitaires liés à la pollution ne concernent pas uniquement les maladies respiratoires ou cardiovasculaires, mais touchent également les fonctions cérébrales, y compris dans les sociétés vieillissantes.

Alors que plusieurs pays s’engagent déjà vers des plans de réduction des émissions polluantes, ce nouvel éclairage scientifique pourrait accélérer les réformes. À l’échelle locale comme internationale, la protection de la santé cognitive pourrait devenir un argument central pour repenser l’aménagement urbain et la transition énergétique.

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