Coincé entre ambitions nationales et fractures historiques, le Sahara occidental reste une poudrière dans le paysage géopolitique maghrébin. Depuis le départ de l’Espagne dans les années 1970, ce territoire est devenu le point de friction entre le Maroc, qui en assure le contrôle administratif, et le Front Polisario, mouvement indépendantiste soutenu par l’Algérie. Cette rivalité ne s’exprime pas uniquement sur le terrain militaire ou diplomatique : elle s’étend aussi au narratif et à la perception internationale. À chaque visite étrangère jugée sensible, les autorités marocaines redoublent de vigilance. Toute présence non encadrée dans cette zone peut rapidement être interprétée comme un geste hostile ou une tentative d’ingérence.
Trois Espagnols refoulés : une opération express des autorités
Le 8 juillet, les services marocains ont éloigné du territoire trois citoyens espagnols ayant fait le déplacement jusqu’à Laâyoune. Ces derniers un représentant associatif — et deux professionnels de l’information — auraient eu pour objectif de rencontrer des Sahraouis identifiés comme affiliés aux milieux indépendantistes. Ce projet n’a pas échappé aux autorités, qui ont immédiatement mis fin à leur séjour en les redirigeant vers l’aéroport d’Agadir pour un départ rapide vers leur pays d’origine.
Ce n’est pas la première fois que des visiteurs européens sont éloignés du Sahara pour des motifs liés à leur agenda ou à leurs contacts locaux. Au-delà du geste, ce renvoi montre la ligne adoptée par Rabat : toute tentative d’accès à des voix critiques dans cette région est perçue comme une menace potentielle à la stabilité et à la souveraineté revendiquée sur le territoire. Les considérations sécuritaires, mais aussi symboliques, prennent ici le pas sur les intentions déclarées des individus concernés.
Une affaire de plus dans un climat diplomatique fragile
Alors que l’Espagne cherche depuis peu à resserrer ses liens avec le Maroc en reconnaissant publiquement certaines de ses positions sur le Sahara, ce nouvel épisode pourrait mettre à l’épreuve cette entente encore fragile. Le passé récent a montré à quel point les malentendus autour de cette question peuvent vite dégénérer, comme ce fut le cas lors de l’hospitalisation d’un chef du Polisario en Espagne, qui avait suscité la colère de Rabat.
La décision marocaine de raccompagner les trois visiteurs vers la sortie n’est pas simplement administrative ; elle traduit une volonté de contrôler fermement l’image du territoire à l’étranger, de barrer la route à toute tentative de remise en cause, même indirecte, de son autorité. Pour les autorités, les allers-retours dans cette zone stratégique ne peuvent se faire que selon des règles bien établies — les improvisations, même bien intentionnées, sont considérées comme des intrusions.
À travers ce geste, le royaume envoie un message clair : le Sahara occidental ne sera pas un théâtre ouvert aux regards jugés partiaux ou orientés. Au moment où les rivalités historiques se doublent d’enjeux de légitimité, chaque visite étrangère dans la région devient un acte potentiellement politique.



