La chaîne TFM, fleuron audiovisuel du groupe Futurs Médias, est au cœur d’un bras de fer politique inédit avec le Premier ministre Ousmane Sonko. Au centre du conflit : un épisode de l’émission Jakarlo diffusé vendredi dernier, où un chroniqueur est revenu sur l’affaire de viol dans laquelle le chef de file de Pastef fut jadis impliqué. L’intervention a suscité une vague d’indignation chez les soutiens du parti, provoquant une réaction du CNRA sous forme de mise en demeure, ainsi que la garde à vue du chroniqueur Badara Gadiaga. Ce climat tendu a servi de déclencheur à une attaque frontale de Sonko, trois jours plus tard, lors de l’installation du Conseil national de son parti.
Dans un discours offensif, le Premier ministre a dénoncé ce qu’il perçoit comme une hostilité médiatique organisée. Sans citer explicitement TFM, il a désigné une chaîne « où des chroniqueurs passent leur temps à insulter le parti », appelant ses militants à cesser toute consommation de ses contenus. Une déclaration qui a immédiatement trouvé un écho dans les cercles militants, galvanisés par cette posture de résistance.
Le groupe GFM contre-attaque avec virulence
Le message a été reçu cinq sur cinq par le groupe GFM, qui a répondu par la plume en consacrant une tribune tranchante dans son quotidien L’Observateur. Loin de chercher l’apaisement, la direction du média accuse Sonko d’avoir posé un acte politique calculé. L’analyse est claire : pour GFM, le boycott appelé publiquement par le chef du gouvernement ne relève ni de l’émotion, ni d’un simple contentieux. Il s’agit d’une stratégie de mise à l’écart délibérée, assimilée à une volonté d’étouffer une voix médiatique perçue comme gênante.
Dans une formule chargée de sous-entendus, le journal affirme que le Premier ministre attribue au groupe la « trahison comme nature, la connivence comme posture, la compromission comme méthode ». Une manière de rejeter toute tentative de criminalisation du traitement éditorial, tout en soulignant le risque que ferait courir une telle dynamique au pluralisme médiatique. Derrière l’échange public, se joue une partie bien plus subtile : celle de l’influence dans l’espace public, entre les narrateurs de l’actualité et les architectes du pouvoir.
Un climat médiatique sous pression
Au-delà du cas GFM, c’est toute la relation entre le gouvernement et les médias qui semble évoluer vers un affrontement plus assumé. Sonko, en valorisant l’activisme numérique des jeunes au détriment des médias traditionnels, redéfinit les canaux qu’il juge légitimes pour construire l’opinion. Les réseaux sociaux apparaissent comme le nouveau front de bataille, tandis que les télévisions généralistes sont vues comme des bastions hostiles, voire dépassés.
Cette conception du rapport à la presse pose une question délicate : un pouvoir peut-il dialoguer avec les médias sans chercher à les discipliner ? Et à l’inverse, les médias peuvent-ils jouer pleinement leur rôle critique sans risquer de devenir des cibles politiques ? Dans un pays où l’histoire récente a montré les dérives possibles du journalisme d’alignement comme de l’instrumentalisation politique, l’équilibre reste fragile.
Le bras de fer entre GFM et Sonko ne fait peut-être que commencer. Mais il révèle déjà les contours d’un nouveau paysage, où l’arène médiatique n’est plus seulement un lieu d’information, mais un champ de confrontation directe entre visibilité, légitimité et pouvoir.



