Sénégal : Conflit entre ruraux à la frontière gambienne, rencontre entre gouverneurs

Entre le Sénégal et la Gambie, les frontières n’ont jamais constitué des murs, mais plutôt des lignes souples dessinées à travers des cultures, des langues et des liens familiaux partagés. Le mandingue, parlé des deux côtés, les marchés hebdomadaires et les alliances intercommunautaires ont longtemps nourri un voisinage apaisé. Mais parfois, un incident isolé suffit à raviver les tensions. C’est ce qui s’est produit entre les villages de Kanouma (Sénégal) et Djataly (Gambie), dans une zone forestière où les bornes administratives sont floues et les ressources convoitées.

Un échange houleux entre un agent forestier sénégalais et un coupeur de bois gambien a mis le feu aux poudres nous rapporte Le Soleil, entraînant des accusations croisées, des arrestations ponctuelles et une crispation entre les deux communautés. Conscientes des risques d’escalade, les autorités ont rapidement réagi pour désamorcer le conflit avant qu’il ne déborde.

Dialogue au sommet à la frontière

Ce mardi 29 juillet, le gouverneur de Tambacounda, côté sénégalais, et son homologue de Makati, côté gambien, ont tenu une rencontre de conciliation directement sur la ligne de démarcation. À leurs côtés, des experts en cartographie, des chefs coutumiers, des guides religieux et les forces de sécurité ont apporté leur expertise pour tenter de reconstruire une compréhension commune de l’espace contesté.

L’un des principaux accords obtenus prévoit le maintien provisoire des activités économiques et pastorales dans la zone litigieuse, aussi bien pour les populations sénégalaises que gambiennes. Cette mesure vise à éviter un gel brutal de la vie quotidienne, en attendant les conclusions des sous-commissions techniques de délimitation. Un autre rendez-vous est déjà prévu ce jeudi, pour discuter plus précisément du parcours du bétail et des pratiques forestières, sources récurrentes de friction dans la région.

Des territoires poreux, des enjeux sensibles

La difficulté de gérer les espaces frontaliers tient autant à la géographie qu’à l’histoire. Le tracé entre les deux pays, hérité de l’époque coloniale, ne correspond souvent ni aux usages traditionnels des terres ni aux représentations mentales des populations. Les pâturages, les zones de coupe de bois ou les axes de transhumance ne respectent pas les lignes officielles, et chaque incident peut être interprété comme une tentative d’empiètement.

Dans ce contexte, un simple malentendu peut rapidement devenir un casus belli local. C’est pourquoi la présence conjointe de responsables civils, militaires et coutumiers est essentielle pour désamorcer les crispations avant qu’elles ne s’ancrent durablement. À Kanouma comme à Djataly, les habitants vivent de la terre et de la forêt. Ni l’un ni l’autre ne peuvent se permettre une interruption prolongée des échanges ou des activités agricoles.

Préserver la paix par le contact humain

Au-delà des discussions techniques, les deux gouverneurs ont mis en avant la nécessité de maintenir les liens sociaux entre les villages frontaliers, gage d’une paix durable. Les autorités locales ont rappelé que les deux pays partagent bien plus qu’une ligne de séparation : une culture commune, des familles mixtes, une histoire entremêlée. Dans cette zone à forte mobilité, chaque fermeture est une fracture.

Le recours au dialogue immédiat, sans attendre une intervention étatique centralisée, témoigne d’une volonté d’ancrer la diplomatie de voisinage dans les réflexes institutionnels. En agissant vite et ensemble, les deux représentants territoriaux ont empêché un conflit latent de se cristalliser. Mais la vigilance reste de mise : tant que les délimitations ne seront pas clairement redessinées et comprises de part et d’autre, ces tensions peuvent ressurgir à tout moment.

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