Cambérène, Rosso : deux localités devenues en quelques jours les symboles d’une crise de confiance croissante entre citoyens et forces de sécurité. À Cambérène, les vidéos montrant un manifestant utilisé comme bouclier humain ont bouleversé l’opinion publique. À Rosso, la mort d’un jeune homme après une intervention policière continue d’alimenter la colère. Ces événements ont mis en lumière des pratiques jugées inacceptables et relancé un débat ancien sur les méthodes d’intervention des forces de l’ordre. Si la violence peut naître dans les deux camps lors d’épisodes tendus, elle ne saurait justifier une perte de vie humaine sous la garde de l’État. Le silence initial de certaines autorités a rapidement laissé place à une réaction officielle d’envergure, signe d’un climat devenu intenable.
Des images qui ne passent pas
De retour d’Espagne, où il participait à une conférence internationale à Séville, le président Bassirou Diomaye Faye a pris la parole avec gravité. Il a dénoncé sans détour les abus constatés, rappelant que “la mort d’un citoyen dans le cadre d’une interpellation ne peut jamais être considérée comme un simple incident”. Il a ordonné l’ouverture immédiate d’enquêtes confiées au ministre de l’Intérieur et au directeur général de la police nationale. Des instructions claires ont été données : toute lumière doit être faite sur les circonstances exactes des interventions à Cambérène et à Rosso, et les conclusions devront conduire à des mesures concrètes. Pour les autorités, l’heure n’est plus à la rhétorique mais à la redevabilité. Le chef de l’État veut faire de ces cas un point de bascule : la responsabilité individuelle ne doit plus être diluée dans l’institution, et la hiérarchie elle-même pourrait être concernée si les dérives s’avèrent structurelles.
Une refondation en cours de route ?
La déclaration présidentielle, en évoquant la nécessité de « réformes de la police », sonne comme un appel à repenser en profondeur le modèle sécuritaire actuel. Depuis des années, les critiques s’accumulent sur les méthodes d’intervention, la formation insuffisante sur les droits humains, ou encore l’impunité ressentie dans certaines unités. Les scènes « insoutenables » mentionnées par le président traduisent cette rupture entre les missions officielles des agents et les pratiques constatées sur le terrain. Cette réforme annoncée ne peut se limiter à un simple remaniement administratif : elle devra intégrer la reconstruction du lien entre population et forces de l’ordre, notamment par une meilleure reddition des comptes, des mécanismes indépendants de contrôle, et une refonte des procédures d’usage de la force.
Au-delà des événements tragiques de ces derniers jours, c’est une question de confiance nationale qui se pose. Une confiance érodée ne se décrète pas, elle se reconstruit lentement, sur la base de la vérité, de la justice, et de l’exemplarité. Le Sénégal, souvent cité pour sa stabilité politique, doit prouver qu’il est aussi capable d’assurer la sécurité de ses citoyens sans compromis sur la dignité humaine.



