Avant même de monter à la tribune de la conférence de Séville, le président Bassirou Diomaye Faye s’est livré à un exercice diplomatique de premier plan. Lors d’un entretien avec Ajay Banga, président du Groupe de la Banque mondiale, il a évoqué les lignes directrices du nouveau cap sénégalais en matière de développement économique. L’institution financière a répondu présente, en affichant sa volonté de soutenir la relance économique du pays à travers des instruments concrets, notamment un appui au secteur privé et au programme d’appui budgétaire. Cette rencontre préparatoire a permis de tisser une forme de complicité politique autour d’une vision commune : repositionner les pays africains non pas comme demandeurs d’aide, mais comme partenaires égaux capables de stimuler leur propre croissance.
Ce dialogue s’est avéré déterminant, car il a permis d’ancrer le plaidoyer présidentiel dans une réalité de coopération active. Le Fonds monétaire international et la Société financière internationale, également impliqués, se sont montrés réceptifs à cette dynamique, qui mise sur un dialogue plus direct entre institutions de Bretton Woods et pays en développement. Le Sénégal cherche à passer d’une économie sous perfusion à un modèle autonome, où les ressources ne transitent plus uniquement par l’aide mais soutiennent l’investissement productif.
Une réforme de fond, pensée par ceux qui en subissent les effets
Face à l’assemblée internationale réunie à Séville, Diomaye Faye n’a pas fait dans la rhétorique prudente. Il a déroulé une feuille de route ambitieuse en faveur d’un rééquilibrage profond des règles financières mondiales. Pour lui, la dette ne doit plus être une chaîne qui entrave l’avenir des États, mais un outil maîtrisé au service du progrès. Il a plaidé pour des mécanismes de traitement plus équitables, capables d’éviter que les pays à faible revenu ne soient acculés à des politiques d’austérité déconnectées de leur réalité sociale.
Il a également soulevé une question restée trop longtemps marginale : celle de la fiscalité internationale. Dans un monde dominé par les flux numériques et les multinationales, les États africains peinent à capter l’impôt là où la richesse est réellement produite. Le président a martelé que la transparence fiscale doit devenir un impératif, non un luxe réservé aux économies les mieux structurées. Il ne s’agit pas d’un simple ajustement technique, mais d’un levier décisif pour libérer des ressources internes, aujourd’hui captées par des circuits opaques.
L’humain, point d’ancrage de l’économie mondiale
Plutôt que de centrer son discours sur les seuls outils financiers, Diomaye Faye a replacé les priorités là où elles prennent tout leur sens : sur les populations. Il a insisté sur la nécessité de repenser l’ensemble du système financier mondial autour de la dignité humaine. Cette approche renverse la perspective habituelle. Ce ne sont plus les indicateurs de croissance ou les ratios de déficit qui devraient guider les décisions, mais leur impact réel sur l’éducation, la santé, l’emploi et la justice sociale.
Cette volonté de remettre l’humain au centre ne relève pas d’un discours d’apparat. Elle traduit une orientation politique nouvelle qui, dans les faits, appelle à revoir la gouvernance des institutions comme le FMI et la Banque mondiale. Le président a réclamé une représentation accrue des pays dits « à faible revenu » dans les espaces décisionnels, estimant que l’avenir économique du Sud ne peut plus être débattu en son absence. Pour que les décisions aient du sens, il faut que ceux qui les vivent puissent aussi les écrire.



