Sénégal : Fin de la présence militaire française, et après ?

Le 17 juillet 2025, un pan entier de la coopération sécuritaire entre la France et le Sénégal s’est refermé. Une cérémonie discrète à Dakar a officialisé la restitution du camp Geille et des installations militaires françaises attenantes à l’aéroport. Une présence qui remontait aux lendemains de l’indépendance prend ainsi fin, dans un contexte régional profondément instable et une recomposition diplomatique en pleine accélération.

Pour le général Pascal Ianni, chef des forces françaises en Afrique, ce retrait ne signifie pas une rupture, mais plutôt une transition vers une coopération « flexible », centrée sur la formation, le conseil technique et les opérations conjointes. Une déclaration qui cherche à rassurer, mais qui ne masque pas les interrogations croissantes sur la capacité des États à contenir, seuls, l’expansion des menaces transfrontalières.

Un vide à combler dans une région sous tension

Le Sénégal, relativement préservé jusqu’ici, fait désormais figure d’îlot dans une zone prise en étau entre la pression terroriste à l’est et l’effondrement institutionnel de certains de ses voisins. Les zones frontalières avec le Mali et le sud-est sénégalais sont considérées comme vulnérables, à la fois sur les plans agricole, social et sécuritaire. C’est ce que souligne un rapport du Sénat français, qui alerte sur le risque d’un vide sécuritaire à la suite du départ progressif des troupes françaises de toute l’Afrique de l’Ouest.

Jonathan Fenton Harvey, analyste géopolitique, rappelle que Dakar représentait jusqu’alors une « pierre angulaire » dans la stratégie militaire française au Sahel. Il évoque une époque où le Sénégal servait de poste de commandement, de zone logistique, mais aussi de rempart diplomatique face à l’enracinement djihadiste au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Dans un environnement où la Russie, la Turquie ou la Chine intensifient leurs approches sécuritaires, la reconfiguration actuelle est perçue comme un glissement de centre de gravité et un test de résilience pour les armées nationales africaines.

Souveraineté renforcée, dépendances reconfigurées

Du côté sénégalais, le retrait est assumé comme un choix de souveraineté militaire. Le général Mbaye Cissé a réaffirmé la volonté de renforcer les capacités internes tout en conservant des liens techniques et opérationnels avec Paris. Cette approche se veut plus équilibrée, moins symboliquement chargée, et davantage orientée vers un partenariat d’égaux.

Mais cette posture suppose des défis immenses. Les moyens humains, logistiques, de renseignement et d’anticipation des forces sénégalaises devront être redimensionnés pour répondre à des menaces désormais plus imprévisibles et diffuses. Le risque serait de substituer une dépendance structurelle par une exposition directe à des foyers de déstabilisation.

Dans cette période de transition, Dakar devra aussi redéfinir ses alliances. Le maintien d’un partenariat discret avec la France, le développement de coopérations sud-sud et l’activation de mécanismes africains de sécurité collective seront autant de leviers à activer. La fin de la présence militaire française permanente ne signifie pas la fin de la coopération stratégique, mais elle impose une nouvelle architecture de défense, fondée sur la confiance, la flexibilité et la préparation autonome.

Le Sénégal entre dans une nouvelle phase de sa sécurité nationale. L’heure n’est plus à l’héritage, mais à l’anticipation. Dans un Sahel en recomposition rapide, l’équation n’est plus : avec ou sans la France, mais comment construire un bouclier durable avec les moyens du présent.

2 réflexions au sujet de “Sénégal : Fin de la présence militaire française, et après ?”

  1. Là c’est Katanga….rompre avec l expérimentée, la très efficace et très puissante armée française, c’est se mettre en danger, quand on n a pas ce qu’il faut ….la casamance

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