Le Premier ministre Ousmane Sonko s’apprête à dévoiler, ce vendredi 1er août, le plan de redressement économique promis depuis plusieurs semaines. Présenté comme une réponse aux turbulences financières que traverse le pays depuis l’arrivée au pouvoir du régime Pastef en mars 2024, ce plan suscite autant d’attentes que d’inquiétudes. Si certains espèrent un tournant décisif, d’autres, à l’image de Mohamed Dia, consultant bancaire installé aux États-Unis, appellent à la prudence. Selon cet expert, invité par la radio Sud FM, l’ampleur des déséquilibres actuels commande non pas des miracles, mais des sacrifices.
Un chantier qui commence dans le brouillard
Pour Mohamed Dia, l’idée même d’un plan de redressement traduit une urgence : celle de stopper l’hémorragie économique avant qu’elle ne se transforme en crise sociale incontrôlable. Il rappelle que dans ce genre d’opérations, « il faut d’abord accepter de se serrer la ceinture », avant de penser aux bénéfices futurs. Le Sénégal est aujourd’hui confronté à une réalité brutale : les fondamentaux de son économie sont fragilisés, et tout redressement exigera des choix difficiles, souvent impopulaires.
L’expert estime qu’il serait illusoire de croire à des améliorations visibles à court terme. Les premières mesures du gouvernement auront sans doute un impact immédiat sur le pouvoir d’achat, sans que les résultats positifs ne soient ressentis tout de suite. Le risque, selon lui, est de nourrir des attentes trop élevées pour un mécanisme qui, par nature, commence par une phase de restriction. Cette logique du choc initial pourrait heurter de plein fouet les ménages, déjà affectés par une hausse du coût de la vie et une précarité croissante.
FMI : des chiffres contradictoires qui ralentissent l’intervention
La situation est rendue plus complexe encore par le flou entourant la dette publique du pays. La mission du Fonds monétaire international, initialement attendue en juillet, ne débarquera finalement qu’à la fin du mois d’août. Ce report n’est pas anodin : il est lié à des divergences entre les données transmises par l’ancien régime et celles compilées par la nouvelle équipe. Mohamed Dia insiste sur le fait que ce décalage n’a rien à voir avec une quelconque contestation de la part du FMI, mais plutôt avec la nécessité de vérifier et d’harmoniser les chiffres avant toute décision.
Cette incertitude technique traduit un malaise plus profond : la transition politique a laissé en héritage une image confuse de la situation budgétaire. Pour pouvoir négocier avec le FMI et engager des réformes structurelles, le gouvernement doit d’abord rétablir la crédibilité statistique de l’État. En d’autres termes, il faut savoir de quoi l’on parle avant de proposer des solutions. Ce travail de clarification est aujourd’hui prioritaire pour éviter toute incompréhension ou faux départ dans les relations avec les bailleurs de fonds.
L’heure des arbitrages politiques et sociaux
Au-delà des chiffres et des plans, ce sont les arbitrages politiques qui s’annoncent déterminants. Le gouvernement Sonko doit convaincre une population impatiente, parfois méfiante, que les mesures douloureuses qui s’annoncent sont un passage obligé. Or, dans un contexte marqué par des attentes sociales très fortes et une inflation persistante, le message s’avère délicat à faire passer. Il ne suffit pas de promettre un avenir meilleur ; encore faut-il préparer psychologiquement le pays aux sacrifices nécessaires pour y parvenir.
La tâche est d’autant plus ardue que le régime actuel s’est construit sur un discours de rupture et de justice sociale. Il devra donc jongler entre rigueur économique et maintien de la confiance populaire. Toute erreur de communication, tout malentendu sur la portée réelle du plan de redressement pourrait rapidement éroder le capital politique de l’équipe en place.
Comme un chirurgien contraint d’opérer un patient déjà affaibli, le pouvoir sénégalais entre dans une phase délicate. La présentation du plan ce 1er août ne sera pas une fin en soi, mais le point de départ d’un processus incertain, jalonné d’obstacles et de décisions lourdes. Pour Mohamed Dia, l’essentiel est de garder les yeux ouverts : « Il n’y a pas de solution magique. Il y a des étapes. Et pour les franchir, il faut accepter l’inconfort de la transition. »
Le redressement tant espéré passera donc par une gestion habile des contraintes. Entre vérité économique et promesse politique, le régime devra apprendre à marcher sur une corde raide, sans vaciller.


