Le bras de fer entre les travailleurs de la Sonatel et le groupe Orange France a franchi un nouveau palier ce lundi avec une rencontre officielle entre l’intersyndicale et le Premier ministre Ousmane Sonko. Les représentants du personnel ont exposé ce qu’ils qualifient de déséquilibres persistants dans la gouvernance de l’entreprise, malgré la participation minoritaire d’Orange France dans le capital. Une situation qui alimente un sentiment d’injustice parmi les salariés, et relance le débat sur la souveraineté économique dans le secteur stratégique des télécommunications.
Une influence minoritaire jugée dominante
Orange France, bien qu’actionnaire à hauteur de 42 % dans le capital de la Sonatel, exerce une influence déterminante sur les choix stratégiques de l’opérateur sénégalais. Cela va de la nomination du directeur général à l’orientation des investissements, en passant par la gestion du conseil d’administration. Ce déséquilibre est au cœur des griefs exprimés par l’intersyndicale, qui dénonce un système de gouvernance dans lequel les actionnaires majoritaires – sénégalais pour l’essentiel – seraient marginalisés.
Les travailleurs reprochent également à certaines clauses contractuelles de favoriser l’intérêt du partenaire étranger au détriment des priorités internes. Ils citent notamment des freins à l’expansion externe de Sonatel sur d’autres marchés africains, et un retard dans le transfert effectif de compétences clés. À leurs yeux, cette inertie entretient une dépendance technique et décisionnelle qui empêche l’entreprise de renforcer son autonomie et sa compétitivité.
Un enjeu de souveraineté économique
Ousmane Sonko, dans une publication partagée après la rencontre, a affirmé son soutien à la cause portée par les salariés. Il a reconnu la légitimité de leurs préoccupations et réaffirmé que la défense des intérêts stratégiques du pays ne saurait être négociable. Pour le Premier ministre, il ne s’agit pas simplement d’un désaccord entre partenaires, mais d’un déséquilibre structurel qui remet en question le contrôle national sur une entreprise considérée comme emblématique du tissu économique sénégalais.
La question de la souveraineté économique prend ici une dimension concrète : dans un contexte où Sonatel gère des infrastructures essentielles – fibre optique, internet mobile, services financiers via Orange Money – toute dilution du pouvoir décisionnel sénégalais est perçue comme une perte de levier stratégique. Le débat dépasse donc les murs de l’entreprise pour toucher à l’indépendance technologique et financière du pays.
Une riposte syndicale déterminée
La réaction de l’intersyndicale ne s’est pas limitée à la sphère institutionnelle. Sur les réseaux sociaux, notamment X, les représentants des travailleurs ont salué la disponibilité du Premier ministre et exprimé leur détermination à poursuivre leur combat contre ce qu’ils nomment une hégémonie injustifiée. Leur message est clair : il ne s’agit pas de remettre en cause la collaboration avec Orange France, mais de réclamer un partenariat équilibré, fondé sur le respect de l’actionnariat réel et de l’expertise locale.
Ce moment de tension survient à un moment charnière pour l’économie numérique du pays. Alors que le Sénégal investit dans l’extension de son réseau haut débit et dans la promotion des services digitaux, la gouvernance de la Sonatel devient un enjeu symbolique. La manière dont sera résolue cette crise pourrait bien influencer la gestion future des grandes entreprises à participation étrangère dans les secteurs stratégiques du pays. Pour les travailleurs de Sonatel, le combat est lancé, et il vise à rétablir ce qu’ils considèrent comme un équilibre perdu au profit d’intérêts extérieurs.



