Sénégal : La compagnie aérienne nationale tente un rapprochement équilibré avec Corsair

Lors de sa création en 2018, Air Sénégal portait l’ambition de renouer avec une aviation nationale digne de ce nom, après la faillite de Sénégal Airlines. Avec un appui étatique assumé et une volonté de rayonnement régional, la compagnie s’était dotée d’avions modernes et de routes vers les grandes capitales africaines et européennes. Mais six ans plus tard, l’élan initial a été freiné par une accumulation de dettes, une flotte réduite à la portion congrue, et des difficultés à maintenir des vols réguliers sur plusieurs axes majeurs.

C’est dans ce contexte que la direction d’Air Sénégal a rencontré, le 4 juillet dernier à Paris, les responsables de Corsair. Cette compagnie française, elle-même fragilisée par les secousses du secteur post-Covid, voit dans un partenariat avec Dakar une manière de consolider ses positions vers l’Afrique de l’Ouest. De son côté, Air Sénégal explore des solutions pour retrouver de la stabilité sans céder sa souveraineté stratégique. Le défi : construire un accord qui permette aux deux compagnies de partager des ressources sans qu’aucune ne soit absorbée par l’autre.

Une coopération qui vise la formation, la maintenance et les lignes commerciales

Au cœur des discussions figure la volonté de mutualiser certains services techniques, notamment en matière de maintenance aéronautique et de formation du personnel. Pour une compagnie comme Air Sénégal, dont les capacités internes restent limitées, cette piste permettrait de réduire les coûts sans renoncer à la qualité. Corsair, qui dispose de structures plus établies dans ces domaines, pourrait offrir ce soutien tout en bénéficiant d’un accès à des lignes stratégiques vers l’Afrique.

Mais les ambitions ne s’arrêtent pas aux ateliers et aux simulateurs. Les deux entités évoquent la possibilité d’un accord commercial plus structurant, autour du partage de codes et de la coordination des vols entre Paris-Orly et Dakar. En connectant leurs réseaux, elles pourraient améliorer la desserte sans multiplier les avions à moitié pleins. Ce type de synergie pourrait renforcer la position d’Air Sénégal face à ses concurrents traditionnels comme Air France ou Royal Air Maroc, tout en permettant à Corsair de revenir sur un marché d’où elle avait été écartée il y a quelques années.

Une alliance sous condition d’équilibre et de transparence

Pour que ce rapprochement aboutisse, encore faut-il qu’il soit conçu de manière symétrique. L’expert Édouard Moctar Anyim, interrogé sur le sujet, rappelle que tout partenariat doit éviter de reproduire les logiques de dépendance asymétrique. Ni Corsair, affaiblie, ni Air Sénégal, fragile, n’a intérêt à se retrouver en situation de subordination. Le dialogue doit se construire autour d’intérêts communs, dans le respect de l’identité de chaque structure. C’est à ce prix seulement que cette initiative pourra s’inscrire dans la trajectoire annoncée de la Vision Sénégal 2050.

Ce partenariat potentiel ne pourra pas résoudre à lui seul les difficultés structurelles d’Air Sénégal. Mais il pourrait représenter un levier opérationnel pertinent si les termes sont bien encadrés, les responsabilités partagées, et les objectifs clairement définis. Dans un secteur aérien africain en pleine recomposition, la capacité à bâtir des alliances solides, équilibrées et durables pourrait faire la différence entre les compagnies appelées à prospérer et celles destinées à disparaître dans les turbulences.

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