Le nouveau gouvernement sénégalais hérite d’un paysage économique à forts contrastes. Derrière les discours de relance se cache une réalité plus rugueuse : une dette publique désormais estimée à 119 % du PIB, la plus élevée du continent, des tensions sociales en hausse et une suspension des financements du principal bailleur, le Fonds monétaire international. Dans ce contexte, l’équation du redressement économique ne peut plus se limiter aux équilibres macroéconomiques classiques. C’est le message qu’a voulu faire passer Serigne Guèye Diop, ministre de l’Industrie et du Commerce, repris par APS, en marge de l’évènement Inspire & Connect, tenu à Dakar sous l’égide de la Banque publique d’investissement française.
Pour lui, l’approche technocratique basée sur la réduction des déficits ou le simple contrôle de l’inflation ne suffit plus. La réponse doit être plus directe, plus ancrée dans les réalités productives. Et cette réponse passe par deux moteurs fondamentaux : l’investissement et la consommation. Autrement dit, injecter de la ressource là où l’on peut produire de la valeur, et stimuler les ménages pour qu’ils la consomment.
Parier sur les secteurs à fort potentiel
Le ministre ne se contente pas d’appeler à investir davantage. Il dessine une carte des priorités. Au cœur de sa stratégie figurent l’industrie manufacturière, l’agriculture et ses chaînes de transformation, l’agrobusiness, mais aussi les filières numériques et digitales. Ces domaines, selon lui, concentrent à la fois le potentiel de croissance rapide et les leviers d’emplois massifs.
Il ne s’agit donc pas seulement de produire plus, mais de produire mieux, localement, avec des effets multiplicateurs sur l’économie intérieure. La transformation de la matière première agricole, l’essor de services numériques adaptés aux besoins du marché régional, ou encore l’installation de zones industrielles orientées vers l’exportation figurent parmi les chantiers envisagés. Le ministre parle d’un horizon de croissance entre 9 et 10 %, un objectif ambitieux mais que l’État juge atteignable si les bonnes décisions sont prises dès maintenant.
Reconstruire la confiance économique par l’action ciblée
Reste une question centrale : comment mobiliser les investissements dans un climat où la confiance des partenaires extérieurs est affaiblie ? Le gel du soutien du FMI, suite à la révélation de la dette cachée, pèse lourd sur la capacité de l’État à financer ses priorités. D’où l’urgence d’un repositionnement stratégique. À court terme, cela implique de redonner de la lisibilité à la trajectoire budgétaire, mais aussi d’ouvrir le jeu à de nouveaux investisseurs, en particulier ceux du secteur privé africain et de la diaspora.
À travers sa participation à Inspire & Connect, le ministre semble précisément vouloir repositionner le Sénégal comme un hub de co-investissements Sud-Sud et Sud-Nord. Ce type de plateforme offre l’avantage de combiner financement, innovation et réseau. Mais au-delà des annonces, le redressement passera surtout par la capacité du gouvernement à déclencher une dynamique interne : faire confiance aux PME locales, améliorer la commande publique, et réduire les freins à l’activité.
Le pays ne peut pas se permettre d’attendre un retour hypothétique de la manne extérieure pour redémarrer. Dans un contexte aussi tendu, chaque investissement compte, chaque secteur réactif devient un pilier, et chaque franc injecté dans la consommation peut devenir un levier. La stratégie du ministère repose sur cette idée simple mais structurante : relancer l’économie non pas par l’austérité, mais par la production et la dépense utile. Reste désormais à transformer l’intention en plan d’action.


