La chute d’El Hadj Babacar Dioum, connu sous le pseudonyme numérique de Kocc Barma, marque un tournant dans la lutte contre la cybercriminalité au Sénégal. Derrière ce nom emprunté au sage du XVIIe siècle se cachait une mécanique sophistiquée de prédation numérique, fondée sur la violation de l’intimité d’autrui et le chantage financier. Aujourd’hui entre les mains de la justice, l’homme fait face à une longue liste de charges qui pourraient le maintenir derrière les barreaux pour de nombreuses années.
Un système de prédation structuré autour de la peur et du silence
Pendant plusieurs années, El Hadj Babacar Dioum a utilisé les réseaux sociaux et des plateformes douteuses pour piéger des individus à leur insu. Des contenus intimes, souvent extraits de conversations privées ou de faux profils, étaient collectés à des fins d’extorsion. Aux victimes, il proposait d’effacer les vidéos en échange d’argent. Lorsque la pression psychologique échouait, les images étaient rendues publiques, entraînant chez certains des séquelles durables.
Des perquisitions menées par les services de cybersécurité ont permis de saisir une masse importante de matériel numérique : ordinateurs portables, téléphones, disques durs, cartes SIM, ainsi que les outils d’administration de sites dédiés à ces publications. L’analyse du contenu a permis d’identifier des fichiers classés « Paid Not to Publish », prouvant l’existence d’un système de monétisation basé sur le silence. Certains versements enregistrés dépassaient deux millions de francs CFA.
Une liste d’infractions aux conséquences judiciaires multiples
La justice a retenu contre Dioum des accusations multiples : association de malfaiteurs, stockage et diffusion de données personnelles, publication d’images attentatoires aux bonnes mœurs, pédopornographie, atteinte à la vie privée, chantage, extorsion, blanchiment de capitaux et usage de faux documents officiels. Chacune de ces infractions est lourdement sanctionnée par la législation sénégalaise.
La diffusion d’images sexuelles sans consentement peut entraîner jusqu’à cinq ans de prison, avec des amendes pouvant atteindre 10 millions de francs CFA. Lorsqu’il s’agit de contenus mettant en cause des mineurs, les peines peuvent grimper à dix ans de réclusion. L’extorsion, de son côté, expose à des peines allant de cinq à dix ans. Les soupçons de blanchiment d’argent, confirmés par les flux financiers retrouvés, viennent aggraver l’ensemble.
Au-delà de la nature des infractions, ce qui alourdit le dossier de Dioum, c’est la régularité et l’organisation de ses activités. Le caractère systématique de ses agissements, l’usage de multiples identités fictives, la conservation structurée des éléments à exploiter et la durée prolongée de son activité donnent à cette affaire une dimension criminelle établie.
Une peine potentiellement exemplaire
En tenant compte de l’ensemble des délits retenus, Kocc Barma risque une peine cumulative qui pourrait dépasser les vingt années de réclusion, même si une telle accumulation dépendra de la stratégie judiciaire adoptée. En plus des peines privatives de liberté, le tribunal pourrait ordonner la confiscation de ses biens, l’interdiction de gérer une plateforme numérique, voire une inscription sur le registre des délinquants sexuels si la pédopornographie est confirmée.
Cette affaire relance le débat national sur la régulation des contenus numériques, la protection de la vie privée et les failles exploitées par les cybercriminels. Le cas de Kocc Barma révèle les dégâts que peut causer un seul individu utilisant l’anonymat numérique comme arme. La justice sénégalaise, désormais face à un dossier solide, devra se prononcer sur une peine à la hauteur des faits reprochés et des souffrances infligées.



