Alors que la communauté mouride se prépare activement à célébrer le Grand Magal de Touba le 13 août prochain, une affaire de fraude numérique vient jeter une ombre sur l’événement. Cette célébration, qui coïncide cette année avec le 18 Safar 1447 du calendrier hégirien, mobilise des millions de fidèles et génère des retombées économiques majeures à l’échelle nationale. Pourtant, malgré l’importance spirituelle et sociale de ce rendez-vous, certains cherchent à en tirer profit de manière illégitime.
Une arnaque orchestrée autour d’une fausse campagne sociale
Le comité d’organisation a récemment mis en garde contre la diffusion, sur les réseaux sociaux, d’une affiche frauduleuse prétendant promouvoir un programme baptisé « Social Safar Editions 2025 ». Ce visuel, qui incite à envoyer des contributions à un numéro de téléphone bien précis (76 666 16 73), a été formellement dénoncé par les autorités religieuses comme une escroquerie. « Le public est invité à se référer exclusivement aux canaux officiels du Grand Magal », précisent les responsables, qui ont alerté les forces de sécurité et déclenché une enquête.
L’incident soulève de nouvelles inquiétudes sur la prolifération des arnaques en ligne ciblant les rassemblements religieux à forte visibilité. Des individus exploitent la confiance des fidèles en se réclamant d’initiatives communautaires ou caritatives, alors qu’il s’agit en réalité de manœuvres frauduleuses bien rodées. L’ampleur du Magal et l’implication émotionnelle des croyants en font un terrain fertile pour ce type de manipulation.
L’économie religieuse en ligne de mire
Le Magal de Touba, au-delà de sa dimension spirituelle, est devenu un pilier de l’économie sénégalaise. Selon une étude réalisée par l’Université Alioune Diop de Bambey, près de 249,9 milliards de francs CFA circulent à l’occasion de cette seule manifestation. Transport, hébergement, restauration, commerce informel… tout un écosystème gravite autour de l’événement. Ce dynamisme attire inévitablement des acteurs peu scrupuleux qui cherchent à se greffer sur le flux monétaire, à l’image de l’escroquerie signalée.
L’arnaque révélée ne représente donc pas un simple incident isolé, mais le symptôme d’un phénomène plus large où la foi devient parfois la porte d’entrée pour des détournements économiques sophistiqués. Cela soulève une question cruciale : comment protéger les communautés religieuses, leurs fidèles et leurs ressources, dans un environnement numérique devenu incontrôlable ? L’enjeu dépasse le cadre du Magal, il concerne l’intégrité même des pratiques religieuses à l’ère du numérique.
Un climat de confiance mis à l’épreuve
Quelques jours avant cette affaire de fraude, le Khalife général des mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, faisait déjà parler de lui dans un autre dossier impliquant des irrégularités financières. Un montant de 78 millions de francs CFA aurait été détourné depuis l’un de ses comptes personnels. Dans une décision inattendue, le guide religieux a choisi de ne pas poursuivre l’auteur présumé, préférant le pardon à la voie judiciaire.
Cet épisode, mis en regard avec l’arnaque récemment dénoncée, révèle un paradoxe : alors que la bienveillance et la confiance dominent l’approche du leadership mouride, des failles apparaissent dans la gestion des relations financières au sein de la communauté. Dans un contexte où les fidèles versent régulièrement des contributions pour soutenir les œuvres religieuses, la transparence devient une exigence incontournable.
Alors que le 13 août approche, les préparatifs du Magal battent leur plein. Mais cette année, l’événement se déroulera avec, en toile de fond, une conscience plus aiguë des menaces invisibles qui guettent même les lieux de ferveur les plus sacrés.


