Le plateau de Jakarlo, émission politique phare du groupe GFM, a provoqué une secousse inattendue dans le paysage médiatique et politique sénégalais. Lors du numéro diffusé vendredi soir, le chroniqueur Badara Gadiaga a rouvert un dossier explosif en évoquant les accusations de viol datant de 2021 visant Ousmane Sonko, aujourd’hui Premier ministre. En ravivant une affaire que la justice sénégalaise considère comme close, ses déclarations ont immédiatement provoqué un tollé en ligne, entre indignation, soutien et vives critiques sur la responsabilité éditoriale de l’émission.
La scène s’est intensifiée lorsque le député Amadou Ba, pourtant réputé pour sa retenue, a riposté sans détour. Face aux accusations de Gadiaga, il a contre-attaqué en remettant en cause la crédibilité personnelle de ce dernier. Selon Ba, le chroniqueur aurait été indûment rémunéré par l’État au titre d’un poste à la Foire de Dakar, sur la base d’un faux diplôme du BFEM. Cet échange tendu, largement partagé sur les réseaux sociaux, a rapidement pris une tournure judiciaire.
Auditions en série à la Cybercriminalité
Les conséquences ne se sont pas fait attendre. Dès le lendemain, le journaliste Madiambal Diagne, qui avait réagi sur X en soutenant les propos tenus à l’antenne, a été convoqué par la division de la cybercriminalité. Le député Amadou Ba, de son côté, a également été entendu hier par les mêmes services, en lien avec les accusations qu’il a formulées publiquement. Mais c’est surtout la situation de Badara Gadiaga qui a pris une tournure plus grave : il a été placé en garde à vue mercredi, dans un contexte de forte tension entre liberté d’expression, déontologie journalistique et stabilité politique.
Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA), saisi à la suite de l’émission, a adressé une mise en demeure au groupe GFM, propriétaire de la chaîne qui diffuse Jakarlo. Ce rappel à l’ordre vise la nécessité de veiller à la rigueur éditoriale des débats et à l’équilibre des prises de parole sur les sujets sensibles, particulièrement lorsque des accusations graves sont formulées en direct, sans contradiction ni vérification.
Un débat public sous pression
L’affaire Jakarlo vient réactiver les tensions persistantes autour de la gestion de l’information au Sénégal, dans une période politique marquée par une transition institutionnelle majeure. Le retour dans l’arène médiatique d’une affaire judiciaire emblématique, à travers un canal aussi populaire, soulève des questions sur la frontière entre journalisme d’opinion et manipulation. Elle met aussi en lumière la polarisation de la scène publique, où chaque propos, chaque prise de position peut rapidement devenir le point de départ d’une procédure judiciaire.
Plus largement, cette séquence interroge le rôle des médias dans la consolidation de la démocratie sénégalaise. Alors que la défiance entre figures politiques, éditorialistes et institutions se renforce, la recherche d’un débat serein et argumenté semble de plus en plus difficile à maintenir. Le traitement de cette affaire, tant sur les plateaux que dans les salles d’audience, pourrait bien redéfinir les lignes rouges du discours public dans le pays.



