Sénégal : Le scandale maritime à 845 milliards qui secoue le projet gazier GTA

Au cœur du très stratégique projet gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA), un dispositif logistique discret mais essentiel s’est mis en place ces dernières années. La société McDermott Marine Construction Ltd, acteur majeur du génie maritime, a mobilisé dix navires pour assurer diverses opérations liées au chantier. Pour les aspects douaniers, deux filiales locales, OMA Sénégal SA et OMA Logistics Sénégal SA, ont été sollicitées afin de garantir la régularité des procédures, notamment sous le régime de l’admission temporaire. Pourtant, ce qui aurait dû relever d’une gestion rigoureuse s’est transformé en casse-tête judiciaire.

Les autorités sénégalaises ont découvert que six de ces dix navires ont bel et bien opéré dans les eaux nationales entre 2022 et 2023, mais sans se soumettre à la moindre formalité de réexportation une fois leur mission achevée. Pire encore, quatre navires n’ont même jamais été localisés dans la Zone Économique Exclusive (ZEE), malgré les avantages douaniers dont ils ont bénéficié. C’est un peu comme si des véhicules déclarés pour un rallye Dakar n’avaient jamais quitté le garage, tout en profitant des exonérations liées à la compétition.

Une fraude fiscale savamment orchestrée

Le montage, désormais dans le viseur des douanes sénégalaises, repose sur l’utilisation abusive d’un régime fiscal prévu pour alléger les coûts logistiques des grands projets. Mais ce levier budgétaire semble avoir été détourné pour éviter à certains navires des taxes substantielles, sans que ces derniers ne soient soumis à un quelconque contrôle de sortie. Résultat : un préjudice colossal de 845 051 333 011 FCFA, une somme qui dépasse l’ensemble du budget de certains ministères sénégalais.

Quatre entités sont citées dans l’enquête : McDermott, les deux filiales d’OMA, ainsi que le transitaire ETLS. Les griefs vont bien au-delà d’un simple oubli administratif : fraude fiscale aggravée, manquements douaniers répétés, exportations non déclarées, et non-présentation des marchandises sous contrôle des autorités compétentes.

Une transaction d’un milliard, et des zones d’ombre persistantes

Le 29 juillet 2025, dans une tentative d’apaisement judiciaire, les responsables de OMA Logistics Sénégal ont versé un milliard de FCFA à titre de transaction douanière, permettant ainsi d’éviter une mise en détention provisoire. Un geste interprété par certains observateurs comme un aveu déguisé, et par d’autres comme une manœuvre de communication bien rodée. Car au-delà de cette somme, les questions restent entières : comment des navires ont-ils pu échapper aux radars douaniers ? Pourquoi aucune alerte n’a été lancée plus tôt ? Et qui, au sein des rouages de l’administration ou des entreprises, a facilité ou laissé faire ?

Le projet GTA, censé symboliser une ère de souveraineté énergétique, voit aujourd’hui son image ternie par l’ombre de ces « navires fantômes ». Une leçon amère pour les acteurs du secteur et un rappel, pour l’État, que la vigilance ne se limite pas aux plateformes offshore, mais commence dans les bureaux et les ports.

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