Alors que les prévisions tablent sur une baisse de l’inflation à 4,3 % pour l’année en cours, après un pic de 5,8 % en 2024, les indicateurs du premier trimestre confirment une situation encore tendue pour les ménages. Le gouvernement mise sur un rééquilibrage budgétaire offensif pour contenir la pression sur les prix.
Un paysage inflationniste encore contrasté
Entre les chiffres avancés par l’ANSD et ceux de la BCEAO, deux lectures se croisent. D’un côté, une hausse de 4,5 % en glissement annuel portée par l’envolée des prix alimentaires (+6,2 %) et des carburants. De l’autre, une évaluation régionale plus modérée à 2,3 %, traduisant une détente dans certaines économies de l’UEMOA. Ce contraste révèle une dynamique double : le reflux progressif des tensions sur les marchés internationaux d’un côté, et, de l’autre, une réalité domestique encore marquée par la dépendance aux importations. L’alimentation et l’énergie, qui représentent près de 70 % des flux entrants du Sénégal, demeurent les vecteurs principaux de l’inflation ressentie dans les foyers.
Les causes sont désormais bien identifiées : hausse des coûts logistiques mondiaux, instabilité géopolitique, volatilité des prix à l’importation. Mais si la tempête vient d’ailleurs, ses effets se vivent localement. Et ce sont les segments les plus sensibles du panier de consommation – riz, pain, huile, gaz – qui en font les frais.
Réorientation stratégique des dépenses publiques
Dans ce contexte, l’État tente de reprendre la main en activant plusieurs leviers. Le budget rectificatif récemment adopté consacre une enveloppe de 500,9 milliards FCFA au remboursement des arriérés dus aux entreprises. Un choix stratégique : en injectant de la liquidité dans les circuits de production nationaux, le gouvernement espère fluidifier l’offre, réduire les blocages logistiques et contenir les effets de rareté sur les prix à la consommation.
Autre décision notable : la révision des postes budgétaires non essentiels. Certaines dépenses ont été temporairement gelées ou redéployées pour dégager des ressources au profit des secteurs jugés structurants. L’objectif affiché est double : soutenir la croissance sans alimenter le déficit, et créer les conditions d’une reprise productive mieux ancrée dans l’économie locale.
Pour renforcer cette dynamique, les autorités comptent mobiliser jusqu’à 1 190 milliards FCFA à travers des levées de fonds internes et des partenariats public-privé. Les priorités sont claires : agriculture, numérique, logistique. Trois piliers qui doivent améliorer la résilience économique et réduire l’exposition aux chocs exogènes.
Un équilibre à trouver entre rigueur et relance
Le pari reste complexe. Il s’agit de maîtriser la dette tout en soutenant des investissements jugés indispensables pour répondre à la demande intérieure. Cette tension entre rigueur budgétaire et relance productive est au cœur de la stratégie actuelle. Les autorités espèrent que la consolidation financière en cours pourra agir comme amortisseur durable contre l’inflation, sans casser la dynamique de croissance.
Mais à court terme, les ménages continuent de faire face à une réalité moins technique : celle des prix en hausse dans les marchés et les stations-services. Les effets concrets des réformes engagées mettront du temps à se faire sentir. D’ici là, la vigilance reste de mise, tant du côté des institutions que de la population.
L’année 2025 sera déterminante pour évaluer la capacité de l’État à stabiliser l’économie sans accentuer les fragilités sociales. Les chiffres de l’inflation en fin d’année offriront une lecture claire du chemin parcouru – ou non – vers une économie plus résiliente et plus maîtrisée.



