Sénégal : L’État passe à l’offensive pour produire ses propres médicaments

Lors de l’inauguration du vaccinopôle de l’Institut Pasteur à Diamniadio en décembre dernier, le président Diomaye Faye rappelait que l’Afrique dépendait toujours largement des importations pour ses besoins médicaux essentiels. Avec seulement 1 % des vaccins, 5 % des tests de diagnostic et 30 % des médicaments produits localement, le continent reste exposé à de nombreuses ruptures d’approvisionnement. C’est à la lumière de ce constat que le Sénégal a décidé d’entrer dans une nouvelle ère industrielle, celle de la production pharmaceutique nationale. Le projet ne se limite plus aux déclarations : il repose désormais sur une feuille de route bien définie et un partenariat solide avec un acteur-clé du continent, l’Égypte.

Sous l’impulsion du Dr Seydou Diallo, directeur général de la Pharmacie nationale d’approvisionnement (SEN-PNA), cette ambition se structure autour d’échéances précises. Loin d’être un simple effet d’annonce, l’agenda pharmaceutique sénégalais se veut progressif, réaliste et orienté vers des résultats tangibles à l’horizon 2032. L’objectif est clair : passer d’un rôle de consommateur à celui de producteur.

Un partenariat égyptien structurant

C’est au Forum African Health Excon, tenu au Caire en juin 2025, que les contours concrets de la coopération avec l’Égypte ont pris forme. Accompagné d’une délégation de la SEN-PNA et de représentants du ministère de la Santé, le Dr Seydou Diallo y a rencontré plus de 175 producteurs publics et privés. Ces échanges ont permis de dessiner une trajectoire de développement industrielle fondée sur le transfert de technologies, la production locale et la maitrise logistique des médicaments essentiels.

Le programme s’échelonne par étapes. Dès fin 2026, une première unité de reconditionnement secondaire devrait voir le jour. Ce jalon initial permettra de mieux contrôler la qualité et la traçabilité des médicaments importés. Deux ans plus tard, trois lignes de fabrication seront opérationnelles : comprimés, solutions buvables et effervescents. En 2029, la production locale de sirops s’ajoutera à l’arsenal thérapeutique made in Senegal, suivie des ampoules injectables en 2030. Enfin, d’ici 2032, le pays prévoit de fabriquer ses propres anesthésiques, renforçant ainsi son autonomie dans les domaines critiques.

Une ambition industrielle au service de la santé publique

Au-delà de la technique, cette transformation porte un enjeu vital : garantir aux populations un accès fiable et équitable aux traitements. Elle permettra aussi de stimuler l’emploi qualifié, d’attirer les investissements dans les biotechnologies et de positionner le Sénégal comme un pôle régional de production pharmaceutique. Le choix de l’Égypte comme partenaire ne doit rien au hasard. Fort de décennies d’expérience dans l’exportation de médicaments génériques, le pays dispose d’un savoir-faire que Dakar souhaite adapter à ses réalités.

La vision portée par la SEN-PNA incarne ainsi une nouvelle manière de penser la santé : non plus comme une charge budgétaire, mais comme un levier de développement stratégique. En structurant chaque étape du processus – du reconditionnement à la fabrication complexe – le Sénégal pose les bases d’une indépendance à la fois médicale et industrielle.

Ce projet, s’il respecte ses échéances, pourrait servir de modèle aux pays africains confrontés aux mêmes défis. Car dans un monde où la souveraineté sanitaire est devenue un critère de résilience, le pari sénégalais ne relève plus du luxe mais d’une nécessité.

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