Le débat médiatique en direct a franchi une ligne rouge. Alors que les téléspectateurs de Jakaarlo assistaient le 4 juillet à un échange tendu sur la figure politique d’Ousmane Sonko, une tempête s’est levée du côté du régulateur audiovisuel. Le CNRA a officiellement brandi la carte de la mise en demeure contre la TFM.
Propos jugés dérapants et rappels ignorés
L’émission hebdomadaire Jakaarlo, connue pour ses débats francs, a une nouvelle fois fait parler d’elle. Le 4 juillet dernier, l’intervention du chroniqueur Badara Gadiaga, critiquant de manière virulente le Premier ministre Ousmane Sonko, a suscité une vive réaction de la part du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA). Ces propos ont été perçus comme portant atteinte à la dignité et à l’intégrité de l’homme politique, dans un climat déjà tendu.
Cette séquence n’est pas survenue en terrain vierge. Le 21 mars dernier, une émission précédente avait déjà été pointée du doigt pour des déclarations similaires. Le CNRA avait alors transmis une observation au Groupe Futurs Médias, maison mère de la TFM. Deux jours plus tard, un communiqué appelait l’ensemble des médias à la retenue et à l’application stricte des règles d’éthique. L’appel est resté sans suite. Les événements du 4 juillet sont venus confirmer, aux yeux du CNRA, un désintérêt manifeste pour ces alertes.
Une régulation aux allures de dernier avertissement
Face à ce qu’il considère comme une récidive, le régulateur audiovisuel a opté pour une mise en demeure formelle adressée à la TFM le 7 juillet. Il est reproché à la chaîne de manquer à son obligation de modération dans les débats d’actualité politique, en particulier lorsque les propos franchissent le seuil du commentaire critique pour s’installer dans l’invective ou l’insulte. La situation est jugée d’autant plus préoccupante que la direction de GFM n’aurait mis en œuvre aucune mesure corrective concrète pour encadrer les interventions de ses chroniqueurs.
Plus encore, certaines autorités ont appelé à une réaction judiciaire. Le directeur général du Port autonome de Dakar, visiblement choqué par les propos tenus en direct, a même évoqué publiquement l’opportunité pour le procureur de s’autosaisir. Ce type de prise de position, émanant d’un haut responsable, illustre à quel point les débats télévisés sont devenus des espaces à haut risque dans le climat politique actuel.
Risques de sanctions lourdes si récidive
Dans son courrier officiel, le CNRA demande au Groupe Futurs Médias de prendre des dispositions immédiates et durables pour encadrer ses contenus. La demande ne souffre d’aucune ambiguïté : soit des ajustements significatifs sont opérés, soit des sanctions s’imposeront. Parmi celles envisagées, la suspension de l’émission Jakaarlo n’est plus une hypothèse théorique. Le Conseil évoque également la possibilité d’interrompre la diffusion de la TFM, de manière partielle ou totale, en cas de récidive.
Ce bras de fer marque un tournant dans les relations entre les autorités de régulation et les organes de presse. Il rappelle que la liberté d’expression, bien qu’essentielle, s’accompagne de responsabilités éditoriales claires, en particulier lorsqu’il s’agit de traiter des figures institutionnelles dans un contexte politique aussi sensible que celui du Sénégal actuel.
À travers cette décision, le CNRA entend réaffirmer son autorité et placer les médias face à leurs obligations légales. L’avenir dira si ce rappel à l’ordre sera suivi d’effet ou s’il ouvrira une nouvelle phase de tension entre les acteurs de l’information et l’organe de régulation.



