En lançant officiellement le Conseil national de Pastef-Les Patriotes, Ousmane Sonko a posé plus qu’un jalon organisationnel : il a redessiné les lignes de pouvoir et d’autorité au sein de son parti et au sommet de l’État. Cette instance, censée préparer le tout premier congrès de la formation politique avant la fin de l’année, devient dans les faits un levier stratégique pour le Premier ministre, qui a profité de la cérémonie pour affirmer haut et fort sa légitimité. Loin d’un discours de circonstance, Sonko a saisi l’occasion pour recadrer les critiques internes et externes qui, selon lui, visent à fragiliser sa position.
Plutôt que de se contenter de rappeler son statut de chef du gouvernement, il a exposé, comme une démonstration, les étapes de sa propre trajectoire dans la conquête du pouvoir : le choix de Bassirou Diomaye Faye comme candidat présidentiel, son engagement de premier plan dans la campagne et sa tête de liste aux législatives. Un enchaînement d’actes qui, selon lui, ne laisse aucun doute sur le rôle central qu’il a joué. Dès lors, ceux qui réclament son départ seraient, à ses yeux, en décalage avec l’histoire récente du pays. Il n’y a pas de place pour l’ambiguïté : il reste en fonction tant que le président le souhaite.
Doutes judiciaires et tensions internes exposés
Le ton est également monté sur le plan judiciaire, où Sonko a tenu à éteindre ce qu’il considère comme de fausses rumeurs. Non, il n’a pas cherché à rencontrer les membres de l’Union des magistrats du Sénégal. Et il va plus loin : selon lui, certains juges ont été les instruments dociles d’un système qui, hier encore, n’hésitait pas à manipuler les lois pour écarter des candidats ou incarcérer arbitrairement. Leur nouveau regain de conscience serait donc opportuniste. En dénonçant ces pratiques passées, Sonko adresse un message clair à ceux qui espéraient une rupture molle avec les anciennes méthodes.
Mais le regard le plus sévère, il le réserve aux siens. Dans une charge inhabituelle, il critique certains cadres du parti qui, au lieu d’assumer publiquement la défense de leur leader dans les moments de tempête, préfèrent se retrancher derrière le silence ou les calculs politiques. Il fustige une tendance à la formation de clans internes, jugeant ces pratiques incompatibles avec l’idéal de discipline et de loyauté qu’il entend incarner. Pour Sonko, il est intolérable que les simples internautes se mobilisent davantage que les responsables investis d’un mandat politique ou organisationnel.
Gouverner avec « autorité »
Au-delà des querelles internes et des règlements de compte feutrés, le Premier ministre a souhaité recentrer le débat sur l’exercice du pouvoir. Pour lui, le pays ne souffre pas d’un manque de réformes, mais d’un déficit d’autorité. Il insiste sur la nécessité de gouverner avec cohérence, sans interférence ni parasitage d’intérêts divergents. Cette déclaration, lourde de sous-entendus, semble viser aussi bien certains alliés que les héritiers de l’ancien régime toujours actifs dans l’ombre.
Le Conseil national fraîchement installé apparaît donc comme un outil de recentrage politique. Il ne s’agit pas seulement d’un organe de concertation ou de coordination. Il devient le théâtre d’un réajustement profond : renforcer la voix du chef, discipliner les échos internes, et rappeler à chacun que l’accession au pouvoir n’a pas été le fruit du hasard, mais d’une stratégie longuement mûrie. Loin des postures, Ousmane Sonko trace les contours d’un exécutif qu’il veut à la fois uni, vigilant et imperméable aux déstabilisations, fussent-elles issues de ses propres rangs.



