En août 2024, le ministre de la Communication Alioune Sall annonçait une réforme décisive dans le paysage audiovisuel sénégalais : les opérateurs étrangers, à commencer par Canal+, allaient désormais s’acquitter d’une redevance équivalente à 9 % de leur chiffre d’affaires annuel, en lieu et place des 75 millions de francs CFA forfaitaires jusque-là versés. Cette disposition, extraite du code de la presse, visait à rétablir une équité fiscale dans un secteur en pleine expansion, où les revenus générés localement restaient faiblement redistribués.
Moins d’un an après cette annonce, la mise en œuvre concrète de cette réforme vient de franchir un seuil symbolique. Guy Marius Sagna, député à l’Assemblée nationale, a confirmé il y a deux jours que Canal+ devra s’acquitter d’environ 4,5 milliards FCFA au titre de sa redevance pour l’exercice 2024. Il s’agit, selon lui, d’un tournant économique, tant par l’ampleur de la somme que par la reconnaissance d’un principe de contribution.
Une hausse immédiate de 10 % sur les forfaits
Face à cette nouvelle charge, le groupe audiovisuel n’a pas tardé à réagir. Dans un communiqué publié sur ses différentes plateformes, Canal+ Sénégal a annoncé une majoration de 10 % sur l’ensemble de ses offres, avec effet immédiat. Cette évolution tarifaire concerne les abonnements classiques comme les formules haut de gamme, impactant ainsi des centaines de milliers de foyers utilisateurs.
Si aucune mention explicite n’a été faite dans le communiqué à la récente redevance, la coïncidence temporelle entre les deux annonces laisse peu de place au doute. Pour les abonnés, cette hausse est d’autant plus sensible qu’elle intervient dans un contexte économique déjà marqué par une érosion du pouvoir d’achat. La répercussion de la fiscalité sur le consommateur final ravive un débat récurrent : comment articuler justice fiscale et accessibilité aux services ?
L’État veut encadrer, Canal+ s’adapte
La réforme portée par le ministère de la Communication repose sur une logique simple : les entreprises internationales qui tirent des revenus conséquents du marché sénégalais doivent contribuer proportionnellement à l’effort de financement des secteurs qu’elles exploitent. Dans le cas précis de l’audiovisuel, les redevances collectées serviront notamment à alimenter les fonds d’appui à la production locale, au développement numérique, et au financement de l’organe de régulation.
L’application de ce principe à Canal+, premier opérateur audiovisuel privé au Sénégal, est un test grandeur nature. Le groupe, qui conserve une position dominante dans l’offre de chaînes payantes, se retrouve ainsi face à un dilemme : absorber le coût de la redevance ou l’injecter dans sa politique tarifaire. Le choix semble avoir été tranché. Reste à savoir si cette hausse sera suivie d’un effort sur le contenu ou les services, ou si elle marquera une simple répercussion fiscale.
Un précédent pour les autres acteurs du secteur
L’enjeu dépasse largement le cas Canal+. D’autres opérateurs audiovisuels étrangers, notamment Startimes, Orange TV ou encore certaines plateformes de streaming transfrontalières, sont également concernées par la règle des 9 %. L’application stricte de cette mesure pourrait redéfinir les équilibres concurrentiels du marché et pousser à une meilleure formalisation des revenus numériques.
À court terme, c’est le pouvoir d’achat des ménages connectés qui se retrouve sollicité. Mais à moyen terme, cette contribution pourrait représenter une opportunité pour redonner des marges de manœuvre au financement de l’audiovisuel sénégalais, aujourd’hui dépendant de subventions irrégulières et de mécénats peu pérennes.



