Le refus de visa infligé au Dr Moctar Touré, président de l’Académie nationale des Sciences et Techniques du Sénégal (ANSTS), a provoqué une onde de choc au Sénégal. Cette décision, considérée comme une humiliation par de nombreux observateurs, a été vivement dénoncée par l’ancien ministre et académicien, Dr Papa Abdoulaye Seck. Dans une lettre adressée au Consul général de France, Dr Seck exprime son indignation et souligne que ce geste constitue une atteinte directe à la coopération scientifique internationale et au prestige du Sénégal. L’incident a pris une dimension symbolique, mettant en lumière les obstacles auxquels font face de nombreux scientifiques africains dans leur quête de reconnaissance mondiale.
Pour comprendre la portée de cet affront, il faut d’abord considérer le parcours du Dr Moctar Touré. Ancien directeur général de l’ISRA (Institut Sénégalais de Recherches Agricoles) et ancien haut fonctionnaire à la Banque mondiale, il est l’un des piliers de la coopération scientifique internationale. À l’instar de nombreux intellectuels africains, sa carrière illustre l’engagement profond d’un continent envers la recherche, l’innovation et le développement durable. Le Dr Seck rappelle que ce refus de visa prive non seulement le Dr Touré de participer à une rencontre scientifique importante, mais également le Sénégal et l’Afrique de la possibilité d’être dignement représentés sur la scène mondiale. Empêcher un scientifique de partager son savoir, c’est, selon lui, empêcher l’Afrique de jouer un rôle de premier plan dans la réflexion mondiale.
Une problématique qui dépasse le cas individuel
Le refus de visa à Moctar Touré n’est pas un cas isolé. En 2023, selon Schengen News, les ressortissants africains ont essuyé plus de 700 000 refus de visa Schengen. Cela représente une part importante des 1,7 million de demandes rejetées à travers le monde, soit près de 41% des rejets globaux. Ce chiffre dénote une tendance inquiétante : les scientifiques, les étudiants, les chercheurs et les professionnels africains sont confrontés à des obstacles systématiques lorsqu’ils cherchent à participer à des événements internationaux ou à se rendre en Europe. Si le refus de visa de Moctar Touré peut être perçu comme un acte isolé, il s’inscrit dans un contexte beaucoup plus large où des millions de demandes légitimes sont rejetées chaque année. Cette situation prive non seulement les individus concernés de leur droit de circuler et de participer à des échanges scientifiques et culturels, mais elle crée aussi un fossé de plus en plus grand entre l’Afrique et le reste du monde.
Les statistiques de Schengen News illustrent l’ampleur de la question : les demandeurs africains ont perdu l’équivalent de près de 37 milliards de F CFA en raison des rejets de visa. Une somme colossale qui représente bien plus que des pertes financières. Ces refus de visa contribuent à renforcer les perceptions d’isolement et d’injustice au sein des communautés africaines, surtout dans des secteurs aussi cruciaux que la recherche et l’éducation.
Les enjeux de la coopération scientifique internationale
Le refus de visa au Dr Touré va bien au-delà d’un simple obstacle administratif. Il illustre les tensions croissantes autour de la coopération scientifique internationale, où les pays du Sud se sentent souvent marginalisés. Dans un monde où les défis mondiaux – qu’il s’agisse de la lutte contre les pandémies, du changement climatique ou de la sécurité alimentaire – exigent une collaboration globale, les pays africains, malgré leur richesse en talents, se retrouvent fréquemment freinés dans leurs ambitions par des politiques de visa restrictives.
Les chercheurs et scientifiques africains, pourtant acteurs clés dans la résolution de problèmes mondiaux, sont trop souvent privés de la possibilité de partager leurs connaissances et d’apporter leur expertise sur des plateformes internationales. Cette exclusion ne fait pas que limiter l’impact de l’Afrique dans le monde scientifique ; elle contribue également à perpétuer des inégalités qui vont bien au-delà du domaine académique.
Les autorités sénégalaises et africaines, quant à elles, se doivent de prendre des mesures diplomatiques pour défendre leurs scientifiques et plaider en faveur de l’ouverture des frontières pour ceux qui portent l’avenir du continent. Le refus de visa à Moctar Touré est un avertissement : il est temps de reconnaître que la science, loin d’être un domaine cloisonné, doit être un vecteur de collaboration et de progrès partagé, et non un terrain où les inégalités géopolitiques et administratives prennent le pas sur l’intérêt commun.




Espérons que le Sénegal rende le coup. On peut refuser le renouveller le titre de séjour de tout le personnel enseignant du lycée français de Dakar …