Sénégal : Après les impacts sur Lompoul, Eramet accusé de défaut de paiement

Le Sénégal et le géant minier français Eramet traversent une période de turbulence, au croisement de tensions économiques, environnementales et sociales. Alors que la production de sables minéraux a connu une hausse de 20 % au premier semestre 2025, l’État sénégalais accuse la filiale locale du groupe, Grande Côte Opérations (GCO), de refuser de verser ses redevances minières, malgré un bénéfice net de 14 milliards FCFA. Parallèlement, la population de Lompoul, région emblématique du tourisme et de la biodiversité, dénonce les ravages causés par l’exploitation industrielle du zircon. Ces deux fronts, économique et écologique, viennent cristalliser un malaise plus profond autour de la gouvernance des ressources naturelles au Sénégal.

Une entreprise florissante qui refuse de s’acquitter de ses obligations

À la lecture des derniers résultats du groupe Eramet, le contraste est saisissant. Si l’entreprise reconnaît un léger ralentissement de ses performances globales, ses filiales africaines affichent une santé éclatante. En Afrique de l’Ouest, les chiffres sont sans équivoque : la production de sables minéraux au Sénégal a progressé de 20 % sur les six premiers mois de l’année. Cette croissance s’est accompagnée de bénéfices records pour Grande Côte Opérations, qui a engrangé 14 milliards FCFA de profits nets.

Mais selon le quotidien Libération, cette prospérité n’a pas été partagée. GCO n’aurait versé aucun franc en redevances minières à l’État, une entorse grave aux engagements contractuels. Face à ce manquement, l’administration a pris une décision sans précédent : bloquer la tenue de l’assemblée générale des actionnaires de l’entreprise. Une manière claire d’exiger des comptes et de poser un jalon dans la réaffirmation de la souveraineté économique.

Lompoul : un joyau menacé par les pelleteuses

Sur le terrain, les critiques s’enchaînent. Dans la région de Lompoul, connue pour ses dunes orangées et ses campements touristiques, les activités de GCO sont désormais perçues comme une menace directe. En quelques années, les installations minières ont modifié l’écosystème local, bouleversant les pratiques agricoles et chassant les visiteurs autrefois séduits par la beauté du désert. Le tourisme, pilier économique local, s’effondre. Des acteurs communautaires parlent même de « désert éventré », où les bulldozers ont remplacé les chameaux et les tentes berbères.

Les impacts sociaux sont tout aussi préoccupants : expropriations jugées arbitraires, pertes de terres fertiles, précarisation des familles rurales. Pour de nombreux habitants, le modèle extractif porté par Eramet est devenu synonyme d’injustice, de dégradation, et de fracture entre promesses de développement et réalités vécues.

Vers une réécriture du contrat minier sénégalais ?

Le bras de fer entre l’État et GCO ne se limite pas à un litige fiscal. Il reflète une remise en question plus profonde de la manière dont les ressources naturelles sont gérées au Sénégal. La décision de bloquer l’assemblée générale de la filiale d’Eramet peut être interprétée comme une volonté des autorités de reprendre la main sur un secteur hautement stratégique, et d’envoyer un message à l’ensemble des investisseurs : les profits réalisés sur le sol sénégalais doivent générer des retombées réelles et équitables.

À l’heure où les tensions écologiques se mêlent aux revendications économiques, ce dossier pourrait faire école. Car si le gouvernement sénégalais maintient sa position, d’autres multinationales seront contraintes de revoir leur rapport avec les territoires qu’elles exploitent. Le cas Eramet, aujourd’hui emblématique, pourrait bien devenir le point de départ d’un nouveau paradigme minier, où la justice environnementale et fiscale s’imposeraient comme des piliers non négociables.

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