Sénégal : Convergences urgentes pour intégrer la monnaie ECO en 2027

Après des années de retards, d’ajustements et d’échéances repoussées, l’ECO, future monnaie ouest-africaine, s’apprête enfin à voir le jour. Omar Alieu Touray, président de la Commission de la CEDEAO, l’a confirmé depuis Banjul, en présence du président Adama Barrow : l’année 2027 marquera le lancement de l’ECO, une étape qualifiée de « phase concrète » dans le chantier monétaire régional.

Mais cette promesse se double d’une précision stratégique : seuls les pays prêts au rendez-vous embarqueront dans cette première vague. Les autres bénéficieront d’un accompagnement technique, mais devront patienter. « L’idée est de lancer la monnaie unique avec ceux qui sont prêts », a résumé le président de la Commission. Cette flexibilité nouvelle répond à un constat partagé : l’hétérogénéité des performances économiques au sein de la CEDEAO rend toute démarche uniforme irréaliste.

Pour le Sénégal, cette déclaration sonne comme un rappel ferme à l’ordre des priorités. La volonté politique affichée par les nouvelles autorités pour reprendre le contrôle économique ne pourra aboutir que si les fondamentaux budgétaires et monétaires sont alignés avec les exigences communautaires.

Une trajectoire budgétaire toujours en décalage

Trois critères essentiels conditionnent l’adhésion immédiate à l’ECO : une inflation annuelle inférieure à 5 %, une absence de financement monétaire du déficit et des réserves de change couvrant au moins trois mois d’importations.

Sur ces trois points, le Sénégal ne coche pour l’instant que deux cases. L’inflation, grâce à la politique monétaire prudente de la BCEAO, est contenue à 0,8 % en juin 2025, loin du seuil maximal. Les réserves de change de l’UEMOA, mutualisées, dépassent largement les trois mois requis. Mais le nœud du problème reste le déficit public, qui a atteint entre 11,6 % et 12,7 % du PIB en 2024, selon une réévaluation de la Cour des comptes et les données du FMI.

Et plus inquiétant encore : environ 48 % de ce déficit est financé à l’intérieur du pays, en grande partie via des instruments qui, bien qu’évitant la création monétaire directe, alourdissent la charge de la dette domestique. Cette dépendance interne au marché financier national ne répond pas aux exigences d’un assainissement durable ni à la rigueur attendue pour l’arrimage à une monnaie commune.

Une équation politique et technique à résoudre d’ici 2027

Face à ce calendrier resserré, le Sénégal est confronté à une double urgence : réduire son déficit en deçà des 3 % requis, tout en mettant en place une stratégie de réformes structurelles capables de garantir la soutenabilité de son économie à moyen terme. Ce défi intervient alors que les autorités actuelles, incarnées par Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, ont exprimé une volonté claire de réévaluer la dépendance au franc CFA.

Le projet monétaire du PASTEF n’a jamais été fondé sur une rupture brusque, mais sur un itinéraire conditionné par les dynamiques régionales. Dans cette logique, l’intégration à l’ECO constitue la priorité. Le président Diomaye Faye a défendu l’idée d’une transition régionale progressive, tout en laissant la porte ouverte à une alternative nationale si le projet stagne. Mais pour que cette intégration ait lieu dans les délais fixés par la CEDEAO, des ajustements majeurs devront être enclenchés dès 2025.

Le compte à rebours a commencé. Trois ans, dans le tempo économique, ce n’est rien. Il s’agit maintenant, pour le Sénégal, de sortir du flou et de traduire sa souveraineté revendiquée en indicateurs clairs. Car en 2027, les pays qui auront pris le train de l’ECO seront ceux qui auront su démontrer leur capacité à se discipliner avant de se fédérer.

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