Sénégal : Les critiques de l'opposition sur le Plan de Redressement

Face à une économie marquée par des déficits persistants, une dette qui grève les marges de manœuvre budgétaires et une trésorerie sous tension, le gouvernement ambitionne de redresser la situation en deux ans et demi. Objectif : mobiliser 5 600 milliards de FCFA pour impulser une dynamique de relance. Mais pour certains, cette course contre la montre repose sur des hypothèses fragiles. Le mouvement Sénégal Bi Ñu Bokk, mené par Barthélémy Dias, dénonce une construction financière jugée irréaliste. Financer 90 % du plan à partir de ressources internes, sans précisions sur les mécanismes de mobilisation, relève selon eux de la promesse creuse.

Ils redoutent un effet de cascade : pour dégager de telles sommes, l’État n’aurait d’autre choix que d’alourdir la pression fiscale ou de réduire les dépenses sociales, au risque d’étouffer davantage des populations déjà éprouvées par l’inflation. En clair, une relance qui, faute de méthode, pourrait virer au sacrifice collectif.

Des arbitrages budgétaires sous le feu des critiques

Au cœur des contestations figure aussi la répartition jugée incohérente des efforts. Le maintien d’une caisse noire de 10 milliards FCFA destinée à des dépenses discrétionnaires est interprété comme un signal négatif, trahissant une hiérarchie budgétaire éloignée des urgences sociales. Pour Sénégal Bi Ñu Bokk, on ne peut à la fois prôner une rigueur nouvelle et perpétuer les privilèges d’un autre temps. « On demande aux populations de se serrer la ceinture pendant que l’exécutif conserve ses coussins en plumes », ironise un cadre du parti.

La suppression des subventions, autre pilier du plan, cristallise aussi les inquiétudes. Pour Pape Malick Ndour, désormais coordinateur national des cadres de l’APR, cette orientation conduira inévitablement à une flambée des prix. Il prédit une pression insoutenable sur les ménages modestes, déjà confrontés à la hausse continue des coûts de la vie. Il souligne que « les conséquences sociales de cette stratégie risquent d’annuler ses ambitions économiques ».

Une relance contestée sur la forme comme sur le fond

Au-delà des chiffres et des arbitrages, c’est l’esprit même du plan qui fait débat. L’opposition déplore une démarche unilatérale, sans consultation des corps intermédiaires, ni implication des acteurs politiques ou économiques. Ce manque d’ouverture alimente le scepticisme sur la capacité du plan à fédérer. Pour ses détracteurs, un plan qui ne dialogue pas avec la société est voué à s’essouffler avant même d’avoir produit ses premiers effets.

Le Plan de Redressement, voulu comme une réponse à l’urgence, se heurte donc à une double résistance : celle d’une opposition politique bien ancrée, et celle d’une population inquiète de payer les frais d’une transition trop brutale. Dans ce contexte tendu, la réussite du programme ne dépendra pas seulement de sa bonne exécution technique, mais aussi de sa capacité à convaincre, à rassurer et à mobiliser sans exclure. Car relancer une économie, c’est aussi savoir rassembler ceux qui en vivront les conséquences.

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