À Diamniadio, un bâtiment ultramoderne aux lignes futuristes trône fièrement sur plusieurs hectares, reflet d’une ambition assumée de faire du Sénégal un hub diplomatique régional. Inaugurée en grande pompe le 23 novembre 2023 par l’ancien président Macky Sall et la Vice-Secrétaire générale de l’ONU Amina J. Mohammed, la Maison des Nations Unies devait regrouper bureaux pays, représentations régionales et agences internationales dans un même ensemble sécurisé. Pourtant, près de deux ans plus tard, le complexe reste désespérément vide.
Évaluée à 211 milliards de francs CFA, la structure n’est pas seulement un pari architectural : elle représente une lourde charge financière pour l’État, qui doit rembourser 12 milliards par an au titre des engagements contractés. Réalisé par Envol Immobilier, un promoteur privé, le projet a été financé via un emprunt contracté auprès d’une banque chinoise, avec une garantie souveraine de l’État du Sénégal, ce qui signifie qu’en cas de défaut de paiement, c’est la note financière du pays tout entier qui pourrait être affectée.
Retrait des agences régionales et incertitudes onusiennes
Invité sur un plateau de la chaîne 7TV, Elimane Pouye, directeur de la SOGEPA, a tenté de lever le voile sur l’énigmatique vacance des lieux. Il explique que la construction a été pensée à l’origine pour accueillir 12 bureaux régionaux des Nations Unies, lesquels avaient formalisé leur intérêt. Mais avec les restrictions budgétaires imposées par l’administration Trump, plusieurs de ces entités ont fait volte-face, préférant différer ou annuler leur déménagement à Diamniadio.
Restent désormais 21 agences onusiennes, de type « bureaux pays », qui seraient prêtes à occuper les lieux, à condition qu’elles puissent cohabiter avec des ONG internationales respectant les mêmes normes de sécurité. Selon M. Pouye, des discussions sont en cours sur cette configuration mixte. Si l’idée se concrétise, le bâtiment pourrait alors retrouver un souffle et justifier partiellement les milliards déjà investis. Mais l’attente se prolonge, et pendant ce temps, les locaux restent inoccupés, entre poussière et gardiennage.
Une option alternative : loger les services de l’État
Face à l’inertie diplomatique, une solution émerge timidement : affecter une partie des services administratifs sénégalais à cette infrastructure pour réduire les charges locatives de l’État, qui pourraient être réduites de 6 milliards de francs CFA par an. Cette perspective, évoquée également par Elimane Pouye, permettrait d’éviter une double perte : celle liée à l’endettement du projet et celle provenant des dépenses de location de bureaux à Dakar pour des services publics déjà à l’étroit.
Mais au-delà des chiffres, cette situation soulève une interrogation plus politique sur les critères de lancement de grands projets publics adossés à des garanties étatiques. La Maison des Nations Unies à Diamniadio illustre les risques d’un développement urbain porté par des promesses non verrouillées, dans un contexte international mouvant. Elle interroge aussi sur la coordination entre ambitions diplomatiques et viabilité économique. Pour l’heure, cette vitrine de béton et de verre reste une coquille vide, suspendue à des négociations incertaines et à des arbitrages budgétaires toujours reportés.


