Avec une dette publique atteignant 119 % du PIB, la marge de manœuvre budgétaire de l’État sénégalais est à son niveau le plus critique depuis des années. Conscient de cette réalité, le Premier ministre Ousmane Sonko livre, dans sa présentation du plan de redressement national, un éclairage précis sur les sources de financement qui permettront d’alimenter cette stratégie sur les deux années et demie à venir. Le défi n’est pas seulement économique. Il est aussi philosophique : faire reposer la relance sur la souveraineté financière plutôt que sur la dépendance internationale.
Le choix assumé de la mobilisation intérieure
90 % des ressources mobilisées dans le cadre de ce plan proviendront de l’intérieur du pays. Un chiffre qui tranche avec les précédents dispositifs économiques reposant fortement sur les bailleurs internationaux. En prenant cet engagement, le chef du gouvernement mise sur une approche inédite : celle de l’effort collectif national, qui sollicite autant l’administration publique que les opérateurs économiques, les services fiscaux, les régies financières, et la contribution citoyenne.
La référence au Programme de Résilience Économique et Sociale (PRES) de 2020, initié pour répondre à la pandémie de COVID-19, n’est pas anodine. À l’époque, l’État sénégalais avait participé à hauteur de 13 % du budget du plan, le reste étant soutenu par les partenaires extérieurs. Aujourd’hui, le rapport s’inverse. Pour Ousmane Sonko, il ne s’agit plus de “demander pour agir”, mais de “agir pour convaincre”. L’enjeu est clair : restaurer une autonomie décisionnelle par une maîtrise budgétaire domestique.
Rompre avec la dépendance aux garanties externes
En s’adressant à ses compatriotes, le Premier ministre n’a pas éludé les attentes souvent exprimées vis-à-vis des institutions internationales, en particulier le Fonds monétaire international (FMI). Il a tenu à rappeler que les partenaires extérieurs ne doivent pas être les garants de nos ressources. Cette déclaration marque une inflexion dans la relation stratégique entre le Sénégal et ses bailleurs. Non pas pour rompre les liens, mais pour rééquilibrer les responsabilités.
Ce positionnement suppose également une refonte des mécanismes internes de collecte et d’utilisation des fonds publics. Cela implique une transparence accrue, une meilleure répartition sectorielle et un recentrage sur les priorités nationales, telles que la santé, l’éducation, l’agriculture et les infrastructures de base. L’option de l’autofinancement progressif renforce aussi la pression sur l’État pour corriger les défaillances historiques en matière de gestion et de reddition de comptes.
Deux ans et demi pour inverser la trajectoire
Le gouvernement donne 30 mois pour renverser une trajectoire économique marquée par les déficits cumulés, les tensions de trésorerie et une dette peu soutenable. C’est à la fois ambitieux et contraignant. Pour y parvenir, le plan de redressement repose sur une combinaison de mesures d’urgence, de rationalisation des dépenses publiques et de relance ciblée de l’économie productive. Il s’agira aussi de rétablir la confiance des Sénégalais dans leur propre système, en démontrant que la contribution nationale est efficace et bien orientée.
Ce pari sur la mobilisation interne ne pourra réussir qu’à la condition d’un engagement cohérent et suivi entre tous les segments de l’appareil d’État. Il suppose aussi une pédagogie constante, pour faire comprendre à la population que le redressement, même difficile, reste un chemin plus digne que l’endettement passif ou la dépendance conditionnée. En recentrant le débat économique sur la capacité d’action nationale, Ousmane Sonko tente d’ancrer le redressement dans une vision de souveraineté budgétaire que le pays n’a jamais totalement assumée jusqu’ici.



