Sénégal : SOS Consommateurs donne sa lecture des prix de l'électricité

La question du coût de l’électricité au Sénégal ressurgit avec acuité, alimentée cette fois par les arguments croisés entre la SENELEC et l’association SOS Consommateurs. Dans un pays où le coût de l’électricité reste important malgré les investissements dans la production, la question de savoir qui paie quoi, comment et pourquoi devient de plus en plus sensible.

En 2024, selon les données du Comité national de dialogue avec la clientèle (CNDC), 1,4 million de mégawatts auraient été volés, représentant une perte estimée à 100 milliards de FCFA. Un préjudice colossal que la SENELEC impute aux branchements frauduleux, qui pèseraient lourdement sur ses finances. L’entreprise nationale considère que ce phénomène nuit à la soutenabilité de son modèle économique, car ce sont les clients réguliers qui absorbent le surcoût de ces pertes invisibles.

Mais ce raisonnement ne convainc pas tout le monde. Pour Maître Massokhna Kane, président de SOS Consommateurs, ces chiffres ne doivent pas être acceptés sans vérification. Interrogé par Sud FM, il remet en question la version avancée par l’opérateur historique. « La SENELEC veut se défendre… qu’elle sorte les preuves », martèle-t-il, appelant à une transparence réelle sur les données avancées.

Des charges internes jugées excessives

Au-delà de la polémique sur les vols de courant, SOS Consommateurs pointe un problème plus structurel : le poids des charges internes de la société. Selon Maître Massokhna Kane, les difficultés de la SENELEC sont en grande partie liées à sa gestion interne et non exclusivement aux fraudes. « La SENELEC a trop de charges qu’elle répercute sur le prix du mégawatt », affirme-t-il. Cette déclaration relance le débat sur la structure même de l’entreprise publique et son fonctionnement administratif.

La critique renvoie à une gestion jugée inefficiente, dans laquelle certaines dépenses ne seraient pas suffisamment maîtrisées. Salaires, marchés, sous-traitances, logistique : autant de postes budgétaires que l’association considère comme des leviers possibles d’optimisation. Pour Maître Kane, une réforme structurelle est urgente. « La SENELEC doit être éclatée pour que les charges de la société soient rationnalisées », propose-t-il, appelant à une dissociation des différentes missions de l’entreprise : production, transport et distribution.

Cette proposition n’est pas nouvelle, mais elle revient avec force dans un contexte où les factures d’électricité restent parmi les plus élevées en Afrique de l’Ouest, alors même que des projets d’énergies renouvelables se multiplient sur le territoire.

Une demande de réforme et de redevabilité

L’intervention de SOS Consommateurs survient à un moment où l’électricité devient un facteur déterminant de stabilité sociale. Dans les quartiers populaires comme dans les zones rurales, les plaintes sur la cherté et l’irrégularité du service s’intensifient. À cela s’ajoute une série de coupures programmées ou subies qui alimentent la frustration des usagers.

Ce débat dépasse donc la simple question des fraudes. Il interroge la manière dont les choix de gestion de la SENELEC influencent la vie quotidienne des citoyens. Entre modernisation inachevée, monopole inchangé et coûts supportés par le consommateur final, la tension monte. L’appel de SOS Consommateurs à revoir le modèle économique de l’entreprise pourrait trouver un écho grandissant dans l’opinion.

D’autant que la stratégie de communication de la SENELEC repose depuis plusieurs années sur l’idée que ses difficultés viennent de facteurs extérieurs — fraudes, retards de paiement, prix du carburant. Or, les voix critiques demandent aujourd’hui une introspection plus profonde. L’électricité n’est pas un produit comme un autre : c’est un bien essentiel, dont l’accès conditionne l’éducation, la santé, la sécurité et l’économie locale.

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