Le procureur adjoint de la Cour pénale internationale a dénoncé ce lundi ce qu’il qualifie de « campagne très énergique » contre l’institution. Cette déclaration intervient à la suite du retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso du Statut de Rome, qui fonde la CPI. Ces pays, membres de l’Alliance des États du Sahel, affirment vouloir reprendre le plein contrôle de leur justice pour juger les crimes graves. Cette décision alimente un débat ancien sur le rôle et la légitimité des juridictions internationales en Afrique.
La CPI réagit aux accusations de partialité
Le procureur adjoint de la CPI, Mame Mandiaye Niang, a affirmé, selon RFI, que la Cour est la cible « d’une campagne très énergique » visant à semer la méfiance. Il a dénoncé la diffusion de fausses informations, notamment sur des mandats d’arrêt supposés contre des dirigeants sahéliens. Il a précisé que la Cour conserve sa compétence pour les crimes commis tant que ces pays étaient membres du Statut de Rome.
Cette déclaration intervient dans un climat de défiance croissante entre plusieurs États africains et l’institution internationale. Les autorités de l’Alliance des États du Sahel (AES) insistent sur le fait qu’elles disposent de leurs propres juridictions et qu’elles entendent les mobiliser pour juger les crimes de guerre et autres violations graves. Cette position fait écho aux critiques formulées depuis longtemps contre la CPI, accusée par des dirigeants africains et des juristes de se concentrer presque exclusivement sur le continent africain et de refléter des rapports de force hérités de l’époque coloniale.
Le retrait de l’AES et le débat sur la souveraineté judiciaire
Le départ du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la CPI marque une étape importante dans la remise en cause du rôle de la justice internationale en Afrique. Ces pays, membres de l’AES depuis 2023, affirment vouloir rompre avec un système perçu comme inéquitable et privilégier des solutions régionales et nationales. Ils estiment que leurs propres juridictions peuvent instruire des affaires de crimes graves sans dépendre de la Cour de La Haye.
Cette décision n’est pas isolée : elle s’insère dans une longue histoire où des États africains ont jugé eux-mêmes des crimes internationaux. Le Rwanda, après le génocide de 1994, a mis en place les juridictions gacaca, et l’Éthiopie a instruit les procès contre les responsables du régime du Derg. Ces exemples sont régulièrement invoqués pour contester l’idée que l’Afrique ne serait pas en mesure d’organiser de tels procès.
Le retrait de l’AES souligne également la dimension politique de la justice internationale. Ces pays contestent la légitimité d’une institution dont certains États puissants, comme les États-Unis, ne sont pas membres tout en ayant leurs propres mécanismes judiciaires pour traiter les crimes graves. Pour les gouvernements sahéliens, il s’agit de réaffirmer leur souveraineté judiciaire face à une Cour qu’ils jugent politisée.


